Kijŏngdong, ainsi dénommé par les coréens du Sud, est un village situé au nord de la zone de frontière, dite « démilitarisée », la DMZ, entre Corée du Sud et du Nord, dans la province du Hwanghae du Nord. La ville importante la plus proche est Kaesong qui se trouve à 10 km à l'ouest, tandis que la zone industrielle de Kaesong est à environ 5 kilomètres au sud-ouest. Les coréens du Nord ne reconnaissent pas cette appellation, et nomment le village Panmunjom, littéralement « magasin de portes en (planches de bois) », du nom d'un ancien village aujourd'hui disparu.
D’après les récits auxquels j’ai eu accès, il a été construit à la demande de Kim Il-sung dans les années 50 pour célébrer l’armistice de la guerre de Corée en 1953. Kijŏngdong est connu en Corée du Sud comme le « Village de la propagande (선전마을) et en Corée du nord comme le « Village de la paix » (평화촌) : il est censé incarner le « Paradis des travailleurs prospères » de Corée du nord.
Le village est censé accueillir une ferme collective de 200 familles, desservies par une garderie d’enfants, une maternelle, des écoles primaires et secondaires et un hôpital. Mais des journalistes américains et les militaires sud-coréens affirment, à partir d’observations faites à partir de la DMZ à l’aide de puissantes lentilles, qu’il s’agit d’un village Potemkine : les bâtiments seraient des coques de béton vides sans vitres ni délimitations intérieures, des lumières les éclairant à heures fixes, et totalement dépourvus d’habitants. Les trottoirs vides seraient balayés par des équipes de gardiens pour tenter de préserver l'illusion d’une activité.
Kijŏngdong a construit dans un effort de propagande pour encourager des défections de Corée du Sud, en manifestant son aisance par la voie architecturale. Il est constitué d’un bon nombre d’immeubles en béton à plusieurs étages et d'appartements câblés à l'électricité. Ces équipements représentaient un niveau de luxe inouï pour la Corée rurale des années 50, au Nord ou au Sud. Le village a été orienté de telle sorte que les toits bleu vif et les murs blancs des bâtiments soient facilement observables à partir de la frontière.
Kijŏngdong était également censée héberger des soldats, et dissimuler un vaste réseau de positions d'artillerie, de fortifications et de bunkers souterrains de triage jouxtant la zone frontalière. Les visites sont interdites, mais c’est la seule construction de Corée du Nord directement exposée à la DMZ.
Jusqu'en 2004, d’énormes haut-parleurs montés sur plusieurs des bâtiments diffusaient en permanence des émissions de propagande dirigées vers le sud. Il exaltaient les vertus de la Corée du Nord et exhortaient les soldats et les agriculteurs du Sud à traverser la frontière pour être reçus comme des frères. L’efficacité des messages s’étant révélée minimale, ils se sont finalement transformés en condamnations anti-occidentales, discours de propagande, opéras communistes d’agitprop et musiques de marche patriotiques, diffusés à un volume très élevé 20 heures par jour, ce qui s’est calmé ces dernières années.
Au centre de Kijŏngdong s'élève une hampe de drapeau de 160 mètres de haut qui fut la plus grande hampe autoporteuse du monde jusqu'en 2010.
C’est à Panmunjom qu’a été signé, le 27 juillet 1953, l'armistice mettant fin aux combats de laguerre de Corée, les deux pays étant encore officiellement en guerre puisqu'aucun traité de paix n'a été signé. Panmunjom abrite désormais le musée de la paix de Corée du Nord.
Dans sur la Joint Security Area (Zone commune de sécurité) que se déroulent les négociations intercoréennes. Le JSA débute à 350 mètres à l'est du village, au-delà de la rivière Sachon, laquelle marque la frontière avec la Corée du Sud sur environ 1,5 km en aval du pont de Non-retour.
Lors de mon dernier voyage en Corée du Nord, en 2015, je me suis vue offrir, grâce au directeur de l’agence Phoenix Voyages, Edouard Georges, la possibilité de visiter Kijŏngdong. Mon intérêt pour Kijŏngdong étant à l’origine de « L’invention du Nord », je serai évidemment très intéressée de visiter et filmer le village, et vérifier les affirmations des uns et des autres, rapportées plus haut. Kijŏngdong est devenu un mythe, un fantasme qui alimente les romans nationaux Nord et Sud coréens, et réaliser une actualisation des informations serait bien sur très tentant. Reste à trouver les financements…