Brève Histoire du sabotage de la paix et de la Réunification de la Corée par les Etats Unis 

fleche

La décision américaine de diviser artificiellement l’ancienne Corée homogène après la reddition des Japonais, le 15 Août 1945, et le règne ultérieur des Etats-Unis par la terreur, de 1945 à 1948, qui conduisit directement à la guerre d'indépendance nationale contre l'intervention impérialiste occidentale, de 1948 à 1950, puis à la guerre chaude de 1950 à 1953, et qui sera suivie par de longues périodes de dictatures militaires jusqu'en 1997, soutenues par le gouvernement américain, doit sûrement se classer comme l'une des tragédies les plus cruelles du vingtième siècle. Cette histoire, pratiquement inconnue en Occident, et les problèmes actuels relatifs à la Corée, ne peuvent être compris sans connaître cette attaque diabolique de l'âme coréenne.

 

LES INTENTIONS ET LES ACTIONS VISANT A DIVISER LA COREE, 1943-1945.

Quelques mois après Pearl Harbor, au début de 1942, les planificateurs du département d'État des États-Unis commencèrent à exprimer leurs inquiétudes quant à une implication soviétique dans la guerre contre les Japonais en Mandchourie et en Corée. Ils craignaient que les Russes apportent avec eux les intrépides guérilleros coréens qui avaient passionnément combattu les Japonais en Mandchourie pour recouvrer leur patrie. La première déclaration internationale formelle pour soutenir l'indépendance coréenne avait été proclamée en novembre 1943, lorsque les États-Unis (Franklin D. Roosevelt), la Grande-Bretagne (Winston Churchill) et la Chine (Tchang Kaï-chek) publièrent la Déclaration du Caire (Egypte), affirmant que la Corée obtiendrait son indépendance "en temps utile", après la capitulation finale inconditionnelle des Japonais. Cette arrogance concernant l'avenir de la Corée s’opposait au fait qu’elle était la plus ancienne victime de l'expansion japonaise. Craignant un régime fantoche de Russie en Corée une fois que les Japonais auraient été défaits, ce qui était présumé confidentiellement, cette "conclusion" devint le facteur critique dans la planification de la Corée. En mars 1944, le Département d'Etat américain recommanda «l'emploi de japonais techniquement qualifiés dans la vie économique coréenne ... pendant la période de gouvernement militaire» (c’est moi qui ajoute). Compte tenu de la durée, sur près de quarante ans, de la domination japonaise et le rôle humiliant de subordonné imposé aux Coréens, ce gouvernement militaire américain prévu en secret pour l’après-guerre en Corée équivalait à la préservation de l'impérialisme japonais et à une violation cruelle et illégale de la souveraineté coréenne.

Du 4 au 11 février 1945, à la Conférence des "Trois Grands" de Yalta, une ville au sud de l'Ukraine, sur la mer Noire, le président Roosevelt, sans consulter les Coréens, suggéra à Staline et à Churchill que la Corée devait être placée sous une tutelle conjointe avant de se voir accorder l'indépendance à la fin de la Seconde Guerre mondiale, une fois obtenue la capitulation du Japon. Cependant, l'accord le plus important réalisé à Yalta était la promesse soviétique d’entrer dans le théâtre de guerre du Pacifique trois mois après la réddition prévue de l'Allemagne, soulageant ainsi les Etats-Unis quant à de nouvelles victimes pour vaincre les Japonais en Mandchourie, en Chine, en Corée et au Japon lui-même. Cet accord secret avec l'URSS pour entrer en guerre contre le Japon avait été promis en échange de l’obtention de S. Sakhaline (île au large de la côte est de l'URSS, juste au nord de l'île japonaise de Hokkaido), des îles Kouriles (s’étendant du nord-est de l'île japonaise de Hokkaido à la péninsule du Kamtchatka en URSS, entre la mer d'Okhotsk et l'océan Pacifique), et en échange d’une zone d'occupation en Corée si les Etats-Unis insistaient sur une tutelle conjointe.

Harry Truman n’avait succédé à la présidence que le 12 Avril 1945, à la mort du Président Roosevelt, seulement deux mois après la conférence de Yalta. L'Allemagne avait capitulé le 7 mai, mettant en route le compte à rebours de 3 mois pour l'entrée en guerre promise par l'armée soviétique afin d’en finir avec les Japonais en Asie. La décision stratégique d'attendre la résolution du Projet Manhattan (développement top secret de la bombe atomique) avait fini par dominer une grande partie de l'élaboration des politiques secrètes des États-Unis à partir de la mi-mai. Truman, n’ayant été informé de l'existence du nouveau projet d'armement qu’après avoir pris la présidence en avril, et en tant que nouveau venu dans la diplomatie internationale, avait probablement redouté sa prochaine rencontre avec Staline et Churchill à Potsdam, près de Berlin, en Allemagne du nord. L'ordre du jour prévu pour Potsdam était de discuter des défis découlant de l'effondrement de l'Allemagne nazie et de la disposition de l'Europe de l'Est vis-à-vis de l'Union soviétique. Il avait, sans surprise, retardé la conférence. Cependant, il est important de noter que Truman avait fixé la date définitive de la conférence immédiatement après le test critique de la bombe secrète, le 16 Juillet à Alamogordo, à 120 miles au sud-est d’Albuquerque, au Nouveau-Mexique.

Le succès de l'essai avait dépassé les attentes et immédiatement fourni aux États-Unis une confiance sans précédent pour l'ensemble de ses négociations post-test. Potsdam avait commencé le 17 Juillet et s’était conclu le 2 août. Auparavant, les Etats-Unis avaient pratiquement accepté le fait qu'une fois que les Japonais auraient été vaincus avec l'aide soviétique, les Soviétiques occuperaient et contrôleraient l'avenir de la péninsule coréenne. Cependant, avec le succès de la nouvelle et de la plus puissante arme jamais développée, la diplomatie américaine avait été radicalement modifiée, et l'arrogance américaine pouvait l'emporter avec un minimum de compromissions.

Le 8 août, exactement trois mois après la capitulation allemande, les troupes russes entrèrent en Mandchourie, comme promis, écrasant les forces japonaises. Le 12 août, elles entraient dans le nord de la Corée, évinçant les forces japonaises, et assurant en outre la fin des pertes militaires américaines. L’importance de cette implication soviétique rendait désormais impossible pour les États-Unis d'exclure l'URSS de la colonisation coréenne d’après-guerre. Le 11 août (trois jours après l'entrée des troupes soviétiques dans l'arène japonaise et seulement quatre jours avant la capitulation imminente du Japon), le président Truman avait ordonné à deux colonels de son Ministère de la Guerre d’identifier à la hâte une soi-disant ligne temporaire divisant la Corée en deux zones. Les 37ème et 38ème parallèles avaient été discutés lors d'une réunion rapide de 30 minutes par ces deux jeunes colonels, l'un étant diplômé d'Oxford, Dean Rusk (qui deviendrait plus tard secrétaire d'Etat sous les présidences de Kennedy et de Johnson, pendant les premières années de la guerre du Vietnam), dans le nouveau siège du ministère de la Guerre américain, le Pentagone, un bâtiment de 34 acres à Arlington, Virginie. La décision de choisir le 38ème parallèle a, sans surprise, créé une division plaçant environ 21 millions de ruraux, càd soixante-cinq pour cent de la population du pays, ainsi que la capitale historique, Séoul, dans la zone américaine. Neuf millions de personnes et les secteurs les plus industrialisés, avec plus de cinquante-cinq pour cent de la terre, tombaient dans la zone soviétique. La question était de savoir si Staline accepterait le 38ème parallèle plutôt que le 37ème, ce dernier incluant la capitale historique de Séoul dans la zone soviétique.

Cette décision établissant le 38ème parallèle fut publiquement proclamée le 15 août comme «Ordonnance générale n°1", sans consultation préalable avec les autres pays, l'Union soviétique pas plus que les autres. Cette proclamation publique eut lieu le même jour que l’annonce par le Japon de sa reddition. Personne n’était sûr de savoir comment Staline allait répondre à cette limitation sur les avancées militaires soviétiques du mois d’août en Corée. À la surprise générale, Staline accepta la division sans commentaire ni défi. La division de la Corée avait commencé, avant même que le Japon ait annoncé sa reddition. Plus tard, Dean G. Acheson, secrétaire d'État (1949-1953), un avocat formé à Yale et Harvard, décrivit le 38ème parallèle comme rien de plus qu’une "ligne de géomètre." Mais, pour les Coréens, c’était l'équivalent d'un assaut flagrant sur l’âme de leur histoire et sur leur aspiration à une véritable indépendance. L’ordonnance n°1 déterminait que les Japonais devaient transférer immédiatement le pouvoir de leur autorité à des forces d'occupation spécifiées, afin d’empêcher les populations locales de "gauche" de prendre le contrôle.

Les États-Unis devaient prendre la zone sud; les troupes soviétiques étaient déjà présentes et devaient rester temporairement dans la zone nord, dans le but de rapatrier tous les Japonais dans leurs secteurs respectifs. Les États-Unis créèrent immédiatement le Gouvernement Militaire de l'Armée des États-Unis en Corée (USAMGIK), qui était la seule autorité légale au sud du 38ème parallèle, et qui le resta jusqu'à ce que la République de Corée ait officiellement été créée le 15 août 1948, exactement trois ans plus tard. Les plans occidentaux pour la division de la Corée d'après-guerre se déroulaient de manière tragique, sans connaissance préalable, ni consentement du peuple coréen.

Ironiquement, le jour même de la capitulation du Japon et de la proclamation américaine de l’ordonnance n°1, le 15 Août 1945, le peuple coréen, dont la majorité était sérieusement appauvrie, célébrait ouvertement sa libération après 40 années d'occupation japonaise misérable. Les Coréens formèrent immédiatement le Comité pour la préparation de l'indépendance coréenne (IPC- Committee for the Preparation of Korean Independence (CKPI)). Le 28 Août, toutes les provinces coréennes sur toute la péninsule avaient établi des Comités démocratiques des populations locales et, le 6 septembre, les délégués de toute la Corée, au nord et au sud, se réunirent à Séoul pour créer la République populaire de Corée (KPR). Les habitants de la Corée étaient convaincus qu'ils seraient désormais en mesure de construire leur propre société, de reprendre le contrôle de leur souveraineté effectivement suspendue depuis que les Japonais avaient mis la main sur leurs affaires étrangères et militaires en 1905, avant l'annexion formelle complète en 1910. A ce moment excitant de leur vie, le 6 septembre 1945, le peuple coréen n’aurait pu imaginer devenir victime d'une injustice encore plus tragique et cruelle, cette fois infligée par un pays occidental, les États-Unis d'Amérique, plutôt que par l'un de leurs ennemis historiques asiatiques.

Le Japon présenta sa reddition formelle le 2 septembre 1945 au général cinq étoiles (un rang nouvellement créé à l'époque) Douglas MacArthur à bord de l'USS Missouri dans la baie de Tokyo. MacArthur avait été nommé commandant des forces alliées au Japon et avait dirigé l'occupation ultérieure incluant la Corée.

Le 7 septembre, le lendemain même de la création du KPR, le général Douglas MacArthur, commandant les puissances alliées victorieuses dans le Pacifique, publia officiellement une proclamation adressée "Au peuple de Corée," annonçant que les forces sous son commandement "occuperaient aujourd'hui le territoire de la Corée au sud du 38ème degré de latitude nord." La première avancée des unités américaines, le 17e Régiment de la 7ème division d'infanterie, avait en fait commencé à arriver à Inchon le 5 septembre 1945, deux jours avant la déclaration de l'occupation par MacArthur. Le gros des forces d'occupation américaines avait commencé à décharger vingt et un navires de la Marine (dont cinq destroyers) le 8 septembre sur le port d’Inchon, et ce sous le commandement du lieutenant-général John Reed Hodge. Des centaines de policiers armés japonais vêtus de noir et à cheval, toujours sous la direction du gouverneur général japonais Nobuyuki Abe, tenaient les foules coréennes éloignées des soldats américains qui opéraient ce débarquement. Dans la matinée du 9 septembre, les troupes américaines défilèrent dans Séoul, protégées encore par les troupes japonaises qui bordaient les rues, introduisant les officiers de hauts rangs dans leurs nouveaux quartiers de l'Hôtel Choseon. Le 9 septembre 1945, le général Hodge annonçait que Abe, le gouverneur général japonais, continuerait de fonctionner avec tout son personnel japonais et coréen.

Hodge était devenu célèbre pour sa guerre d'agression dans des batailles à Guadalcanal, Leyte, Bougainville, et la «dernière bataille» à Okinawa, qui lui avait valu la réputation de «Patton du Pacifique." Patton avait été surnommé "Vieux sang et tripes» pour ses actions de chars lors de la Première Guerre Mondiale, et plus tard, pour  ses exploits pendant la Seconde Guerre Mondiale en Italie, en Afrique du Nord, en  France et en Allemagne.

En quelques semaines, il y eut 25 000 soldats et membres des «équipes de la fonction publique" dans le pays. En fin de compte, le nombre de troupes américaines au sud de la Corée avait atteint 72 000. Bien que les Coréens aient été officiellement qualifiés de «semi-amicaux, des gens libérés», le général Hodge instruit néanmoins ses propres officiers que la Corée "était un ennemi des États-Unis... sous réserve des dispositions et des conditions de la reddition".  Rapidement, de manière tragique et ironique à la fois, le peuple coréen, les citoyens de la nation-victime, étaient devenus des ennemis, tandis que les Japonais vaincus, qui avaient été les agresseurs illégaux, servirent comme occupants avec leurs amis les États-Unis. La Corée se vit infliger une occupation initialement prévue pour le Japon. Le Japon fut ensuite reconstruit, dans la période d'après-guerre, par les Etats-Unis, alors que la Corée était soumise à une occupation brutale. Le Japon est resté, jusqu’à aujourd’hui, une base militaire américaine avancée et s’est vu offrir protection et intelligence pour ses «intérêts» dans la région Asie-Pacifique.

Tout ceci était la conséquence des évaluations stratégiques américaines vis à vis des plans d'après-guerre de son allié soviétique pendant la guerre, évaluations qui avaient rencontré peur et méfiance de l'Occident, depuis que la révolution bolchevique avait articulé sa philosophie socialiste en 1917. Les dispositions de cette occupation, y compris les ordonnances émises par le gouverneur militaire de Corée, devaient être appliquées par un "Tribunal Militaire d’Occupation." Le 12 septembre, le Major Général Archibald V. Arnold, diplômé de West Point et expert en artillerie, avait été nommé gouverneur militaire américain pour remplacer le gouverneur japonais – le Général Abe, bien que la plupart des membres du personnel administratif et de police existants aient été conservés.

Arnold fut ensuite remplacé comme gouverneur militaire américain par le major général William F. Dean, un ancien combattant de la Seconde Guerre Mondiale, décoré pour ses batailles en France, en Allemagne et en Autriche. Fait intéressant, lorsque la guerre «chaude» avait commencé en juin 1950, Dean était devenu le commandant de la 24ème Division des États-Unis et avait été capturé le 25 août à Daejeon, et fut le plus haut gradé américain jamais capturé par les Nord-Coréens, emprisonné en tant que prisonnier de guerre pendant 37 mois et demi.

A partir de ce jour fatidique, le 8 septembre 1945, jusqu’à aujourd’hui, une période de 56 années désormais – une longue et douloureuse période de 660 mois - les forces militaires américaines (actuellement au nombre de 37 000, positionnées dans quelques 100 installations), ont maintenu une occupation continue dans le sud, soutien de facto de la domination américaine sur la vie politique, rhétorique, économique et militaire d'une Corée inutilement divisée. Ce rôle américain écrasant, souvent brutal dans sa nature et, jusqu'à récemment, soutien des politiques répressives de marionnettes dictatoriales, continue d'être le plus grand obstacle à la paix, en raison de son interférence avec la réunification inévitable de la péninsule coréenne. Jusqu'en 1994, des centaines de milliers de forces sud-coréennes de défense ont été utilisées légalement sous le commandement direct des États-Unis. Même aujourd'hui, et bien qu’intégrées dans le Commandement des forces multinationales (CFC), si le commandant de l'armée américaine en Corée juge qu'il existe une situation de guerre, ces forces retournent automatiquement sous le contrôle direct des Etats Unis.

Le dossier historique des Etats-Unis en Corée, bien documenté, mais peu connu du public, n’est pas à court d’aspects démoniaques et sans vergogne: de l'occupation formelle brutale des Etats Unis (1945-1948) au soutien indéfectible du règne tyrannique de la marionnette états unienne Syngman Rhee, avant, pendant, et après la guerre chaude de Corée (1948-1960), avec la propagande rhétorique d'une «démocratie» coréenne; à la domination américaine en Corée de 1960 à nos jours, où le peuple coréen a été la plupart du temps contraint au travail sous la poigne de fer de dictateurs militaires tandis que le Département d'Etat américain rapportait à la population des États-Unis la tenue de «réformes démocratiques» en Corée.

L'implication directe des États-Unis en Corée à partir d’août 1945 nous fournit le premier exemple d'un comportement américain en matière de guerre froide. Si on l’examine attentivement, cela révèle beaucoup de choses sur la nature de la psyché nationale telle qu'elle s’exprime dans des politiques militaires et politiques malavisées et vicieuses, le genre de terreur effrénée réservée à ses victimes. La peur du communisme – maladie mentale, nationale et occidentale, de la paranoïa - a provoqué un déferlement féroce de violence dirigé vers les peuples non méritants « du Tiers-Monde», tout comme la propagation du communisme monolithique, elle-même grossièrement exagérée, était régulièrement confondue avec les mouvements  (démocratiques) visant à une authentique auto-détermination nationale, en faveur de l'indépendance à l’égard des forces coloniales occidentales.

La capacité des États-Unis à écraser le mouvement populaire (des soi-disants «communistes» ainsi mal étiquetés par les américains et les dirigeants politiques et militaires de Rhee) en Corée, constituait un test important de la réussite ou l'échec de la politique de «containment» articulée en 1948 par George Kennan, directeur du Policy Planning Staff du Département d'Etat américain (PPS). A travers la publication d’un document alors top-secret (PPS 23, 24 Février, 1948), Kennan dessine une évaluation honnête de la nécessité d'une politique impériale gagnante pour les Etats-Unis :

"... Nous possédons environ 50% de la richesse mondiale, mais seulement 6,3% de sa population ... Dans cette situation, nous ne pouvons manquer de faire l'objet d'envie et de ressentiment. Notre véritable tâche ... est de concevoir un modèle de relations qui nous permettra de maintenir cette position de disparité sans préjudice pour notre sécurité nationale ... Nous ne devons pas croire que nous pouvons nous permettre aujourd’hui le luxe de l'altruisme et de bienfaits mondiaux... Nous devrions cesser de parler d’objectifs vagues - pour l'Extrême-Orient – et irréels comme les droits de l’homme, l'élévation du niveau de vie, et la démocratisation. Le jour n’est pas loin où nous allons avoir à traiter avec de stricts concepts de puissance. Le moins nous serons alors entravés par des slogans idéalistes, le mieux ce sera ».

 

La création des machines à répression

Les États-Unis comprirent que, pour affirmer un contrôle capitaliste de style occidental en Corée, ils devaient défaire, puis éliminer le KPR, la grande base populaire démocratique. Au lieu de rapatrier les japonais comme convenu, le gouvernement militaire américain (USAMGIK), tenu par près de 2.000 officiers américains, dont la plupart étaient incapables de parler ou de comprendre la langue coréenne, les recrutèrent rapidement, eux et leurs collaborateurs, pour continuer leurs fonctions administratives. Plus important encore, et de manière plus plus flagrante, le Gouvernement militaire américain réanima la très redoutée force policière coloniale japonaise, la Police Nationale Coréenne (KNP). Environ 85% des coréens qui avaient servi dans les forces coloniales de police japonaises avaient été rapidement engagés par les États-Unis pour tenir le KNP. D’autres collaborateurs avaient été recrutés dans la force de police (Constabulary) coréenne créée en décembre 1945 par le commandant des forces américaines en Corée, le général John R. Hodge. Des protocoles secrets, révélés plus tard, ont montré le contrôle opérationnel américain sur la police sud-coréenne et l'ensemble de ses forces armées entre le 15 août 1945 et le 30 juin 1949. En outre, de nombreux collaborateurs japonais et coréens, qui avaient été purgés, souvent brutalement, par les forces russes et les nouveaux comités populaires coréens dans le nord, devinrent membres de puissants groupes paramilitaires comme la Jeunesse Nationale Coréenne (KNY) et la Ligue de la jeunesse du Nord-Ouest (NWY) dans le sud, qui travaillait de concert avec les forces « officielles" de sécurité des États-Unis / Rhee.

Tout ceci avait lieu en dépit du fait que le gouvernement américain connaissait très bien, en 1945, les aspirations coréennes à l'indépendance. Le Général John Reed Hodge, commandant du 24ème Corps de la 10ème armée des Etats-Unis, devint Commandant général des forces armées américaines en Corée parce que ses forces pourraient se déplacer rapidement en Corée après la capitulation du Japon le 15 août. Bien que situé à Okinawa, au Japon, le 24ème Corps possédait une étude approfondie, intitulée «Etude conjointe Army-Navy d’Intelligence de la Corée ». Ce rapport décrivait les profonds désirs des Coréens pour leur indépendance, et le fait qu'ils préféraient une transition autonome pesante au danger et à la crainte d’un contrôle continu par «certains successeurs du Japon." L'étude décrivait l'étendue de la domination japonaise sur 40 années et sa collusion avec une minorité coréenne aristocratique, répétant que la majorité des fermiers avaient été terriblement opprimés. Néanmoins, les États-Unis n’avaient aucune intention d'accorder aux Coréens leurs droits juridiques et culturels historiques à l'indépendance. Et une enquête américaine ultérieure sur les attitudes coréennes a révélé que près des trois quarts de la population voulaient clairement un système socialiste, plutôt que capitaliste. En outre, les premiers rapports révélèrent que les penchants socialistes coréens étaient tout à fait indépendants des directives de l'Union soviétique, et que les sud-coréens se montraient coopératifs, sans être sous la coupe des communistes nord-coréens.

Les États-Unis organisèrent en hâte de riches coréens conservateurs représentant les élites propriétaires terriennes traditionnelles et, le 16 septembre, convoquèrent le Parti Démocratique Coréen (KDP). Selon le 24ème Corps du Renseignement, les Etats-Unis identifièrent rapidement "plusieurs centaines de conservateurs» parmi les Coréens les plus âgés et les plus instruits qui avaient servi les Japonais, et qui pourraient servir de noyau pour le KDP convoqué en hâte. Il s’agissait de Coréens qui avaient grandi dans l’aisance, résultat d'années de collaboration avec leurs colonisateurs japonais. Preston Goodfellow, ancien directeur adjoint de l'Office des Services Stratégiques (OSS) qui avait un passé dans le renseignement de l'armée américaine et dans la guerre clandestine, était une connaissance de Syngman Rhee qui vivait alors aux États-Unis, et il pris rapidement des dispositions pour importer le politique expatrié de soixante-dix ans en Corée. Apparemment, Rhee avait coopéré, d’une manière ou d’une autre, avec l'OSS à Washington DC au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le 16 octobre 1945, Rhee fut transporté en Corée dans l’avion personnel du Général Douglas MacArthur.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Goodfellow était directeur d'une mystérieuse "Corporation de la Reconstruction en Outremer" qui avait probablement servi comme front du renseignement. A ce titre, il était impliqué dans le commerce asiatique du tungstène avec la Corporation du Commerce Mondial, une société d'après-guerre constituée par les chefs d'opérations du renseignement allié, y compris William J. ("Wild Bill") Donovan, le directeur-fondateur de l'OSS et supérieur immédiat de Goodfellow quand il était dans le renseignement pendant la guerre. Le tungstène était et reste l'un des métaux les plus précieux stratégiquement, utilisé dans la fabrication des tanks blindés et des obus anti-chars à pointe de carbure de tungstène. Seule la découverte, plus récente, de l'uranium appauvri (UA 238) a permis une plus grande efficacité, mais qui s’avère extrêmement dangereuse, à la fois pour le blindage et pour percer des blindés, et a remplacé le tungstène dans cette fonction. Au début de 1949 Goodfellow était devenu le principal conseiller américain de Syngman Rhee et un agent-clé pour les transactions d'affaires américano-coréennes, et aussi pour les opérations de renseignement impliquant à la fois les Etats-Unis et la Chine nationaliste avant le succès des communistes sur les nationalistes. En 1954, Goodfellow travaillait avec l'ancien responsable des opérations de propagande pour l'OSS dans l'importation de tungstène pour les Etats-Unis qui, à l'époque, désespérait de maintenir son stock militaire.

Rhee était né en 1876 dans la province de Hwanghae, au sud de Pyongyang, dans une famille en lutte, bien que de classe supérieure, dans la dynastie Yi. Tout en suivant les cours d’un collège méthodiste à Séoul, il répudia le bouddhisme et le confucianisme en faveur du christianisme. Cependant, il était vigoureusement opposé à la présence japonaise en Corée. Arrêté par les autorités de police japonaise, il avait été envoyé en prison pendant plusieurs années. Après sa libération, il partit pour les Etats-Unis en 1905, et avait apparemment été en mesure de rencontrer le secrétaire d'État sortant John Hay, dans le but d’exhorter Theodore Roosevelt à protéger l'indépendance coréenne et ce, alors que le Président négociait la fin de la guerre russo-japonaise. Il avait apparemment aussi pu rencontrer Roosevelt à sa résidence d'été à Oyster Bay, Long Island, au moment même où le secrétaire de la guerre de Roosevelt, Taft, rencontrait Katsura au Japon afin de signer un accord concernant le contrôle du Japon sur la Corée, si le Japon respectait le contrôle des Etats-Unis sur les Philippines. Rhee fut brutalement repoussé. Il était resté aux États-Unis et avait obtenu des diplômes de l'Université George Washington (1907), une maîtrise de Harvard (1908) et un doctorat présumé à Princeton (1910) où il prétendit avoir étudié avec le professeur Woodrow Wilson. Il avait à son crédit d'être le premier coréen à recevoir un doctorat d'une université américaine, même s’il n’est pas du tout certain qu'il ait reçu un tel diplôme. Il revint brièvement en Corée en 1910 pour travailler pour le YMCA de Seoul en tant qu’enseignant et évangéliste, mais il revint aux États-Unis en 1912 où il était resté en partie à Hawaii, mais aussi à Washington et à New York, jusqu'au moment où Goodfellow le ramena en Corée, 33 ans plus tard, dans l’avion de MacArthur, avec sa riche épouse autrichienne qu'il avait rencontrée lors d'un voyage en Europe en 1932. Au crédit de ce colonialiste anti-japonais, il avait été, à un moment donné, le chef d'un gouvernement provisoire en exil, mais avait été expulsé en 1925 pour détournement de fonds. Désormais, Rhee, devenu méthodiste, allait rapidement devenir le leader des marionnettes US dans la Corée bouddhiste et confucianiste, tout comme Diem, un catholique qui vivait temporairement dans le New Jersey, l’était devenu dans le Vietnam bouddhiste près de dix ans plus tard, dans le prolongement de la tragique politique asiatique dans laquelle les États-Unis continuaient de confondre les mouvements nationaux pour l'autodétermination avec le communisme monolithique. Quand il retourna en Corée en 1945, peu de Coréens ou d’américains savaient grand chose sur lui puisqu’il était resté en exil aux États-Unis pendant près de quarante ans.

Désormais, avec des forces de police coréennes d’état étoffées et une marionnette politique coréenne, on pouvait le présenter comme le nouveau leader démocratique de Corée du Sud, et le gouvernement militaire américain pouvait commencer sa purge systématique de toutes les forces d'opposition. Le 20 Octobre, à la cérémonie d'accueil des forces d'occupation, Rhee indiqua clairement qu'il n’avait pas l'intention d'unifier le pays. Il dénonça la Russie et le Nord, et refusa de travailler avec le KPR qui avait été démocratiquement élu le 6 Septembre. Rhee adopta rapidement les coréens pro-japonais qui travaillaient déjà avec le gouvernement militaire américain, tout en dénonçant les nombreux défenseurs antijaponais de gauche. Le 12 décembre 1945, l’USAMGIK, travaillant en étroite collaboration avec Syngman Rhee, interdit le KPR et toutes les organisations et activités populaires démocratiques locales, provinciales et nationales. Les différents syndicats avaient uni leurs forces en novembre dans le cadre du Conseil national des syndicats coréens (NCKLU), affilié à la KPR, mais leurs activités avaient été rapidement interdites. Les grèves avaient été interdites; la plupart des activités syndicales étaient considérés comme traîtrises. Les organisations de femmes, les groupes de jeunes et autres éléments du mouvement populaire se trouvaient ainsi en ligne de mire. En septembre 1946, les travailleurs mécontents déclenchèrent une grève audacieuse qui, en octobre, se répandit dans toute la Corée du Sud. L’USAMGIK déclara la loi martiale. En décembre, la coopération des forces de la KNP, du Constabulary (appelée Forces de Défense Nationale par les Coréens, et qui deviendra plus tard l'Armée de Terre de la République de Corée ou ROKA), et les unités paramilitaires de droite, complétées par les forces militaires et de renseignement américaines, avait contenu par la force l'insurrection dans toutes les provinces. Plus de 1 000 coréens furent tués et plus de 30 000 emprisonnés. Les dirigeants régionaux et locaux du mouvement populaire étaient morts, en prison ou avaient pris le maquis.

 

La division coréenne devient "légale".

Rhee, à soixante-trois ans, fut élu président le 10 mai 1948, une élection boycottée par presque tous les Coréens à l'exception du KDP, conservateur et élitiste, et des groupes politiques d'extrême-droite propres à Rhee. Rhee pris légalement ses fonctions de Président le 15 Août, et la République de Corée (RDC) fut officiellement déclarée. En réponse, trois semaines et demi plus tard (le 9 Septembre, 1948), le peuple du Nord créa à contrecœur son propre gouvernement séparé, la République populaire démocratique de Corée (RPDC), avec Kim Il-sung comme Premier Ministre. La Corée était désormais clairement et tragiquement, divisée en deux. Kim Il-sung avait survécu à son combat de guérilla contre l'occupation japonaise en Chine et en Corée depuis 1932, depuis ses vingt ans. Kim avait trente-trois ans quand il retourna à Pyongyang en octobre 1945 pour inaugurer cette époque espérée de reconstruction d’une Corée libre de toute domination étrangère, et il avait trente-six ans quand il devint le premier Premier Ministre de Corée du Nord, le 9 Septembre 1948.

Pendant ce temps, les forces russes qui avaient occupé le nord depuis août 1945 se retirèrent comme prévu en décembre 1948, laissant seulement un petit nombre de conseillers derrière eux. Après que la ROKA fut officiellement proclamée en août 1948, le Département d'Etat américain négocia pour retarder le retrait prévu des troupes de combat américaines jusqu'au 30 juin 1949. Ce qui fournit à Rhee l’avantage d’un soutien supplémentaire des États-Unis pour combattre l’opposition civile et la guérilla. Ces forces furent finalement retirées fin juin 1949, et remplacées par un Groupe Consultatif Militaire Coréen (KMAG) de 500 hommes, dirigé par le général de brigade William L. Roberts.

Pendant ce temps, en septembre 1949, après le retrait de la majorité des troupes américaines, l'anxiété de Rhee augmenta quant à la guérilla qui durait et à la montée en puissance des forces aériennes de la RPDC, même si l'armée russe s’était retirée du Nord en 1948. Il voulait commencer à construire sa propre armée de l'air, et réduire sa dépendance à l’égard des forces aériennes des États-Unis. Les dirigeants militaires et politiques américains étaient opposés à l'octroi d'avions à Rhee, dont l’empressement à envahir le Nord pourrait causer, pensaient-ils, une provocation inutile. Le secrétaire d'Etat Acheson avait également refusé à Chiang Kai-chek une demande similaire en faveur de ses forces nationalistes combattant les communistes chinois. Pastor Goodfellow soutenait par contre la requête de son ami Rhee concernant les forces aériennes de la République de Corée. Rhee trouva un soutien supplémentaire et bienveillant en l'ami de Goodfellow, le Général Claire Chennault, qui avait fondé la Civil Air Transport (CAT) après la Seconde Guerre Mondiale, la force aérienne du "Tigre volant", contrôlée par la suite par la CIA.

Le CAT (Civil Air Transport) convoyait par air des mercenaires et des fournitures pour les forces chinoises du Kuomintang (KMT) qui, vers la fin 1949 furent séquestrées en Birmanie à la suite de la victoire des communistes. Tous les avions du CAT avaient alors été déplacés en toute sécurité à Formose. En août 1949, Tchang Kaï-chek visita Rhee, cherchant en Corée une base aérienne qui pourrait aider les nationalistes dans leur campagne continue contre les communistes chinois. Rhee à son tour, en novembre 1949, invita en Corée Chennault à présenter des plans pour développer une force aérienne coréenne avec les bases sécurisées nécessaires. Cependant, jusqu'à ce que la guerre chaude coréenne ne démarre, les Etats Unis n’autorisèrent pas les quarante avions du CAT réimplantés dans six stations de formation de la CIA au Japon et en Corée à opérer par les airs des transports aériens, ni à organiser des missions de bombardements et de renseignement contre des installations chinoises le long de la côte, ni à servir des campagnes pour les États-Unis ou les Nations Unies contre les Nord-Coréens. La compagnie aérienne, bien que proche de la faillite, en dépit de fonds de la CIA, avait un nouveau bail sur la vie, et avait reçu la mission de diriger également la Compagnie Aérienne Nationale coréenne.

 

L'élimination systématique de la dissidence civile

Le secrétaire d'État américain Dean Acheson et George Kennan, spécialiste de l'Asie au département d'État des États-Unis, précisèrent en 1949 que la capacité de Syngman Rhee, "démocratiquement élu", à supprimer les menaces internes à son régime était très importante pour le succès de notre politique de confinement (du «communisme»). Les «guérilleros» devaient être rapidement éliminés afin que le monde puisse assister clairement au succès de la Corée concernant le traitement de la «menace communiste». Les enjeux en Corée étaient élevés pour les Etats-Unis et l'Occident en général, et les Etats-Unis voulaient s’assurer que leur marionnette Rhee prévaudrait, peu importait le coût pour le peuple coréen ou son aspiration à un pays unifié. Goodfellow avait informé Rhee, à la fin de 1948, se référant à ses conversations avec Acheson sur la Corée, que les guérilleros devaient être "nettoyés rapidement... tout le monde observant la manière dont la Corée gérait la menace communiste." Cela contribue à expliquer le rôle important joué par l'armée américaine dans la suppression de toute résistance au régime de Rhee : conseillers présents dans toutes les unités de l'armée et de la police coréenne, utilisation d'avions d'observation pour débusquer les guérilleros, réunions quotidiennes d’unités de contre-insurrection, interrogatoires et tortures des prisonniers, réunions régulières du renseignement, utilisation d'avions de transport pour convoyer des troupes armées et des fournitures, et même utilisation occasionnelle de forces de combat américaines.

Les forces de Rhee et des U.S.A. intensifièrent leur impitoyable campagne de nettoyage des dissidents du sud, désignant comme «communiste» présumé quiconque s’opposait au régime de Rhee, ouvertement ou plus confidentiellement. En fait, la plupart des adhérents ou des sympathisants du mouvement populaire au sud étaient socialistes, et non apparentés aux organisations «communistes». A mesure que la répression s’intensifiait, cependant, des alliances avec des mouvements populaires du nord, y compris des organisations communistes, augmentèrent. L'insurrection de l’île Cheju fut écrasée en août 1949, de 30 000 à 60 000 Coréens furent tués, près de 300 villages détruits, mais sur le continent, la guérilla continua dans la plupart des provinces jusqu'en 1950-1951. Aux yeux du commandant des forces militaires américaines en Corée, le général Hodge, et à ceux du nouveau "président" Syngman Rhee, pratiquement tout coréen n’affichant pas publiquement ses opinions de droite était considéré comme un traître "communiste". Par conséquent un nombre massif d'agriculteurs, de villageois et de citadins furent systématiquement victimes de rafles dans les zones rurales, les villages et les villes de toute la Corée du Sud. Les captifs étaient régulièrement torturés pour obtenir les noms d’autres suspects. Des milliers de personnes furent emprisonnées, et plus encore furent contraintes de creuser des fosses communes avant de devoir y descendre pour être abattues par d'autres coréens, souvent sous la surveillance d’officiers américains. L’estimation du nombre de civils assassinés sous le prétexte de tuer des "communistes" à l'époque de l'occupation légale américaine (15 août 1945/15 août 1948) puis la période qui fut prolongée avec succès jusqu'au 30 juin 1949, lorsque les troupes de combat américaines se retirèrent finalement, s’élève souvent à 500 000 personnes, avec une estimation inférieure à 100 000, et une plus élevée à 800000.

Les prisonniers politiques sous occupation américaine passèrent, au sud de la Corée, au moment où Rhee fut ramené des États-Unis en octobre 1945, de 17 000 à plus de 21 000 en décembre 1947. Aux alentours de mi-1949, il y avait 30 000 présumés "communistes" dans les prisons de Rhee, et environ 70 000 dans ce qu'on appelle des «camps d'orientation » utilisés comme prisons de surnombre. En décembre 1949, jusqu'à 1 000 personnes par jour avaient été raflées, torturées et emprisonnées. Pendant ce temps, de nombreuses autres avaient été assassinées sommairement après avoir été torturées, sans même avoir le «privilège» d'être jetées en prison. Des agents avaient pénétré chaque organisation, chaque groupe d'étudiants, chaque café et chaque lieu de travail, cherchant des preuves de dissidence exprimée publiquement ou de mépris pour le régime de Rhee. Et même si le gros des troupes américaines était parti, des fonctionnaires de l'ambassade des États-Unis et les 500 personnes du Groupe Consultatif Militaire américain qui restaient était au courant et se trouvaient complices de ce règne de terreur.

Une analyse par la CIA du profil de personnalité de Rhee datant de 1948, apparemment le premier profil jamais réalisé sur un dirigeant étranger par la relativement nouvelle CIA, a conclu: « Le danger existe... que l'ego surdimensionné de Rhee peut le conduire à des actions désastreuses ou du moins très embarrassantes pour le nouveau gouvernement coréen et pour les intérêts des Etats-Unis ». Il est vrai que les États-Unis redoutaient que Rhee ne provoque une attaque militaire contre le Nord à travers le 17ème parallèle. Mais un bain de sang au Sud, l’extermination ou l’emprisonnement de pratiquement l'ensemble du mouvement populaire qui, à un moment donné, représentait clairement la grande majorité des citoyens coréens, n’avait aucun intérêt pour les Etats-Unis. En fait, ceux-ci en ont soutenu et dirigé une grande majorité ! Bien que parfois le gouvernement américain ait censuré en privé Rhee et ses militaires ainsi que les unités de la police nationale coréenne, les responsables américains ont toujours publiquement fait l'éloge d’une République de Corée (ROK) «libre et démocratique».

Ce rapport sordide de la politique américaine et le comportement qui en résulta en Corée entre 1945 à 1950 a servi de modèle "de formation" destiné à être imité par la suite, et «cultivé», variant parfois en fonction de la situation. Par exemple, après le coup de la CIA en Indonésie en 1965 visant à remplacer (pour le gouvernement américain) l'inacceptable "neutralité" du Président Sukarno par le militairement homme-fort qu’était Suharto, l'identification et l'élimination systématique pendant plusieurs années de ceux qui étaient perçus comme ayant des sympathies avec Sukarno, ou dont on pensait qu’ils étaient "communistes ", a conduit aux meurtres de 500 000 à un million de personnes. Le programme Phoenix au Vietnam du Sud a cherché à éliminer, entre 1967 et 1972, l'infrastructure civile Vietcong avec des estimations des personnes tuées et/ou capturées atteingant près de 70 000. Le soutien américain au gouvernement contre-révolutionnaire au Salvador et ses escadrons de la mort, entre 1980 et 1994, a conduit aux meurtres de 75 000 personnes, et le déplacement de plus d'un million. Dans le Nicaragua révolutionnaire, les Etats Unis ont créé des terroristes contre-révolutionnaires appelés Contras, qui maraudaient entre 1982 et 1990 à travers les campagnes, détruisant des villages et assassinant ceux qui étaient identifiés comme soutien au gouvernement révolutionnaire. Plus de 75 000 Nicaraguayens avaient été assassinés ou gravement mutilés.

Il existe de nombreux autres exemples de cet ordre, peut-être six ou sept douzaines, où l'utilisation de la force et de la sécurité militaires avait utilisé (et continue à utiliser) le terrorisme sous l'égide de la lutte contre le terrorisme, avec l’appui et sous la direction des Etats Unis, afin de préserver une idéologie soutenant un mode de vie élitiste et privilégié, au détriment d’une majorité pauvre. Mais, à l'exception possible de la purge barbare en Indonésie de 1965 à 1967, qui a assassiné entre 500 000 et un million de personnes, l'élimination systématique du mouvement populaire en Corée, dirigée par le gouvernement US/Rhee entre 1945 et 1950, reste classé comme l’exemple le plus affligeant de toutes les nations-victimes au cours de la soi-disante Guerre Froide.

Pendant ce temps, et de manière ironique, la période 1945-1950 fut vécue par la plupart des habitants des États-Unis comme étant parmi la plus agréable de leur histoire. Baignant dans la victoire militaire de la Seconde Guerre mondiale, se sentant invincible vis à vis de ses possessions et du développement de l’armement militaire le plus puissant et le plus sophistiqué technologiquement jamais connu par l'humanité, le peuple des Etats-Unis, par le biais de son gouvernement et de son économie capitaliste ploutocratique, allait gouverner le monde. Ils percevaient comme menace pratiquement n’importe quelle idée politico-économique alternative, et l'empêchaient de se mettre en place. La " Destinée Manifeste " commença sa marche mondiale absolument partout.

 

Les États-Unis décident d'annoncer le début de la guerre chaude

La guerre chaude a apparemment commencé à Ongjin, tout près du 38ème parallèle dans l'ouest de la Corée, à environ 3 ou 4 heures du matin (heure coréenne) le 25 juin 1950. Cela eut lieu dans la zone où de violents combats avaient éclaté à Kaesong au début de mai 1949, alors que des batailles, apparemment initiées par six compagnies d'infanterie du sud, durèrent quatre jours, tuant 400 soldats nord coréens et 22 sud-coréens. Selon des responsables américains et sud-coréens, près de 100 civils ont également été tués à Kaesong. De violents combats eurent lieu ultérieurement en juin sur la lointaine péninsule de Onjin, sur la côte ouest au-dessus de Séoul et en août, lorsque les forces du nord, qui occupaient une petite montagne au nord du 38ème parallèle, attaquèrent la ROK. Rhee avait constamment menacé d’attaquer la Corée du Nord, créant de l'anxiété chez les conseillers américains. La question de savoir comment ont débuté les combats et qui en pris l’initiative, ce jour-là, le 25 juin 1950, dépend des sources d'information. La version officielle du Nord prétend que les forces sud-coréennes avaient été pilonnées avec des obus et des mortiers dans la zone Unpa-san, sur la péninsule de Ongjin, les  23 et 24 juin. Puis le 17ème Régiment de la ROKA avait attaqué une unité du nord dans la montagne de Turak, dans la péninsule de Onjin le 25 Juin, qui avait été repoussée par les forces du Nord. Le Sud revendiquait, au contraire, que le 17ème Régiment de la ROKA contre-attaqua et se trouvait alors en possession de la ville de Haeju, le seul endroit au nord du 38ème parallèle censé avoir été pris par les forces du Sud. Cela fut annoncé dans la matinée du 26 juin. Les détails ne sont pas pertinents, de toutes façons, pour autant qu’une guerre civile et révolutionnaire avait fait rage pendant près de deux ans, avec des incursions militaires se déplaçant régulièrement de part et d'autre du 38ème parallèle. La guerre avait été annoncée comme une attaque préméditée et belligérante des forces communistes du nord contre la société démocratique souveraine du sud. L'introduction rapide des États-Unis et des forces militaires des Nations Unies le 26 Juin eu lieu sans aucune compréhension de la part de l'Occident (sauf par quelques observateurs astucieux comme le journaliste I.F. Stone ) qu’en fait, ils entraient dans une guerre civile active et révolutionnaire contre cinq années d'ingérence américaine et les efforts passionnés des Coréens autochtones pour accéder à une véritable indépendance. Ces forces extérieures supplémentaires alimentèrent simplement encore plus les passions des coréens, tout en créant de nouvelles divisions entre eux.

Ce malentendu tragique et paranoïaque des Etats-Unis et de l'Occident en général, accompagné d’un racisme profondément ancré, contribue à expliquer, mais n’excuse en aucune façon, le nombre important de civils ("bridés") massacrés par les forces US et de l’ONU, et aussi, bien sûr, par l’armée de la République de Corée elle-même, et l'incroyable dévastation des cibles civiles et le meurtre de millions de civils dans les campagnes de bombardements aériens tenaces menées pendant toute la guerre. Beaucoup de missions de bombardements furent effectuées par les 1008 membres d’équipage des bombardiers de la Strategic Air Command (SAC) sous la direction de son jeune et téméraire Commandant Général, Curtis LeMay, qui avait récemment dirigé les bombes incendiaires ayant détruit tout ou partie de soixante-six villes japonaise en 1945. L'ampleur de la haine ressentie par les forces américaines envers les coréens a été parfois signalée par des journalistes choqués. Le terme péjoratif "bridé" a été aussi couramment appliqué aux Coréens par des militaires américains comme ce fut le cas avec les Vietnamiens plus tard, pendant la guerre du Vietnam. Les forces de Rhee, principalement composées de Coréens collaborant avec leurs anciens occupants japonais, étaient également impitoyables dans le massacre des civils coréens, à la fois au sud et au nord de la Corée.

 

Bombarder tout

Pendant la guerre "chaude" de Corée, le général Douglas MacArthur ordonna à l'US Air Force de "détruire tous les moyens de communication, chaque installation, usine, ville et village" au sud de la frontière entre la rivière Yalu et la Chine. Pyongyang et 76 autres villes coréennes au nord furent rasées au cours d’une campagne de bombardement de 37 mois, coïncidant avec la période de la guerre chaude.

Des bombardements massifs de saturation, en particulier au napalm et autres produits incendiaires, ont peut-être, à eux seuls, assassinés 2.500.000 civils. Le major-général William B. Kean de la 25ème Division d'Infanterie, avait ordonné que "les civils dans la zone de combat" soient considérés comme des ennemis. Le célèbre 25 juillet 1950, le mémorandum de la Cinquième Air Force au Général Timberlake avait déclaré que l'adhésion aux ordres de l'armée de "mitrailler tous les réfugiés civils [avait été] respectée." USA Today (le 1er octobre 1999) et le New York Times (le 29 décembre 1999) rapportèrent, à partir de documents déclassifiés de l’US Air Force, le mitraillage "délibéré" et les bombardements de «civils» coréens et de «personnes en blanc ». Le 21 août 1950, John Osborne indiqua que les officiers américains avaient ordonné aux troupes de tirer sur des groupes de civils.

 

La guerre bactériologique

Une première étude a étudié les allégations concernant l'utilisation par les États-Unis d’armes bactériologiques et chimiques en Corée. La Commission de l'Association Internationale du rapport des juristes démocrates sur les crimes US en Corée le 31 Mars 1952, a conclu que les États-Unis ont utilisé à la fois des armes bactériologiques («dispersion délibérée de mouches et autres insectes infectés artificiellement avec des bactéries, avec l'intention de semer la mort et la maladie ") et chimiques ("utilisation de bombes de gaz empoisonné et autres substances chimiques ") contre des civils et des combattants en Corée du Nord. Fondée en septembre 1951 au Congrès de l'Association à Berlin, la Commission était composée de huit avocats, un pour chaque pays : l'Autriche, l'Italie, la Grande-Bretagne, la France, la Chine, la Belgique, le Brésil, et la Pologne. L'Association avait été invitée par un rapport du Comité de la Fédération Démocratique Internationale des Femmes en Corée, du 16 au 27 mai 1951, une commission internationale constituée de 22 femmes issues de 18 pays (dont le Canada et sept pays d'Europe occidentale) qui avait découvert que des crimes de guerre avaient été systématiquement perpétrés par un certain nombre de moyens par les forces américaines et les forces sud-coréennes, sous le commandement des États-Unis, même si elle n'avait pas discuté spécifiquement l'utilisation d’armes bactériologiques ou chimiques.

La Chine avait mené sa propre étude internationale, le Rapport de la Commission scientifique internationale pour l'étude des Faits concernant la guerre bactériologique en Corée et en Chine, publié à Pékin en 1952, et qui a trouvé une utilisation importante par les États-Unis de l’arme bactériologique.

En tout, trente-six officiers américains, principalement des pilotes, la plupart de la Cinquième Armée de l'Air, ainsi que certains de la 1ère Wing Air Marine sous la direction de la Cinquième Armée de l'Air, ont fait à leurs geôliers chinois des déclarations admettant leurs participations à la guerre biologique (bactéries). La plupart des combattants volants capturés avaient reconnu que, bien qu’ils aient été soumis au stress et à la contrainte, ils n’avaient pas été battus physiquement, ni reçu des informations à inclure dans leurs déclarations. L'étude la plus exhaustive de l'étendue de la collaboration des États-Unis dans les camps de prisonniers de guerre menée par l'armée américaine a conclu que, en fait, il n'y avait eu aucun lavage de cerveau, ni coups, ni tortures, mais que les prisonniers américains venaient d'un milieu culturel qui avait échoué à leur donner un aperçu politique et une maturité affective pour gérer ces expériences difficiles. Peu de temps après leur confessions, en 1953, les prisonniers américains avaient été libérés, et avaient été placés sous un contrôle strict, et le gouvernement américain présenta des rétractations signées par un quart de ceux qui avaient avoué. La majorité ne se rétracta pas, du moins en public.

Bien sûr, les États-Unis nièrent les diverses allégations et accusations d’usage d’armes biologiques et chimiques, et c’est toujours le cas à ce jour. Cependant, grâce à deux professeurs de l'Université York à Toronto, Canada, Stephen Endicott et Edward Hagerman, nous avons désormais l'avantage de leur étude exhaustive menée pendant 20 ans, sur les États-Unis et la guerre biologique: « Secrets de la pré-guerre froide et la Corée » (Bloomington: Indiana University Press, 1998). Soigneusement documenté, leur rapport conclut que les États-Unis ont expérimenté et déployé des armes biologiques pendant la guerre de Corée, et que le gouvernement américain a menti à la fois au Congrès et au public américain en prétendant que son programme de guerre biologique était purement défensif (de représailles seulement). Un système large et sophistiqué d'armes biologiques offensives avait été développé dans les années suivant la Seconde Guerre mondiale, et avait été utilisé en Corée du Nord. Cependant, leur étude ne permet pas d'identifier une utilisation d’armes bactériologiques en Corée du Sud, quoique les Coréens ont insisté sur le fait qu'elles avaient été utilisées dans le sud de la province de Cholla.

 

Menace US d’utiliser des armes atomiques sur la Corée du Nord et la Chine.

En raison des premiers succès militaires de l’armée du nord repoussant l'armée sud-coréenne (ROKA) et les forces américaines loin au sud de Séoul, le Général MacArthur, le 9 Juillet 1950, demanda l'utilisation de bombes atomiques pour protéger son armée en retraite. Après délibération à Washington, cette demande fut refusée. C’était la première fois, sur au moins neuf fois différentes, que les États-Unis envisagèrent sérieusement d’utiliser la bombe atomique / nucléaire contre des régions adjacentes de la Chine et la Corée du Nord pendant la guerre de Corée. Un deuxième "examen actif" de l'utilisation de la bombe eu lieu le 30 novembre 1950, après l'entrée en guerre à la fin octobre des « hordes » de l'armée chinoise, lorsque le président Truman suggéra publiquement que le général MacArthur pourrait se voir donner l'autorisation d'utiliser la bombe atomique à sa discrétion pour arrêter les Chinois. Cela créa un énorme tollé en Europe, qui découragea l'idée dans un premier temps. Néanmoins, Truman ordonna au SAC d’ »expédier ... des groupes de bombes » en Asie pour « intégrer le potentiel atomique » et envoya des bombes atomiques non assemblées par porte-avions au large des côtes coréennes.

 

Sept occurences graves ultérieures de l'utilisation de la bombe.

    En décembre 1950, peu de temps après la suggestion publique de Truman qui suscita des réactions négatives en Europe, l'état-major interarmées (JCS) soutint la demande du général MacArthur concernant l'utilisation discrétionnaire de plus de trente bombes atomiques larguées, si nécessaire sur des « objectifs-retard» et des «forces d'invasion » pour éviter la défaite.
    En mars et avril 1951, les chefs d'état-major demandèrent l'utilisation de bombes atomiques contre des bases chinoises en Corée et en Chine, un plan soutenu en principe par le président Truman, qui ordonna le transfert (d’armes atomiques complètement assemblées) « à la garde militaire» en Asie (Guam et Okinawa, Japon) pour une utilisation contre des cibles chinoises et nord-coréennes, si les Soviétiques et les Chinois, d’une manière ou d’une autre, développaient une escalade de la guerre au printemps.
    En juin et juillet 1951, les chefs d'état-major demandèrent l'utilisation d'armes atomiques pour des opérations tactiques, cinq mois après les premiers tests américains d'armes nucléaires tactiques, en cas de blocage «inacceptable» dans les pourparlers de paix qui commencèrent en juillet.
    En Octobre 1951, trois colonels de l'armée voyagèrent de Washington DC au Japon et en Corée pour une réunion top secrète avec le général Ridgeway, commandant des forces de l'ONU, et d'autres officiers, en partie pour initier des plans et des préparatifs pour « l'emploi d’armes atomiques en appui d’opérations terrestres » en Asie. En septembre et octobre 1951, des bombardiers américains convoyèrent des bombes atomiques factices au-dessus de la Corée du nord, larguèrent même de fausses bombes atomiques, se préparant à l'utilisation d’objets réels si les pourparlers de paix restaient inacceptablement au point mort.
    En mai 1952, lorsque le général Mark Clark remplaça le Général Mathew Ridgeway en tant que commandant des forces de l'ONU, il proposa un certain nombre de nouvelles mesures, y compris le déploiement de bombes atomiques.
    En février 1953, peu de temps après que le président Eisenhower accéda au pouvoir, il menaça directement la Chine de la bombe atomique. L'US Air Force transféra des bombes atomiques à Okinawa, et son chef de cabinet, Hoyt Vandenberg, suggéra publiquement qu’une zone au nord de la Chine, Mukden (Shenyang, à 150 miles au nord de la frontière avec la Corée, disposant d’une grande base aérienne), serait une cible stratégique appropriée. Cette crise fut évitée par la diplomatie des dirigeants soviétiques qui succédèrent immédiatement à Staline après sa mort le 5 mars.
    Le 20 mai 1953, le Conseil de Sécurité Nationale discuta sérieusement de l'utilisation «extensive» de bombes atomiques contre la Chine, y compris contre une grande partie de la Mandchourie, si les communistes n’acceptaient pas des termes «raisonnables» de paix. Le Secrétaire d'État John Foster Dulles transmis un message par le Premier Ministre indien Nehru aux Chinois et aux Nord-Coréens : les États-Unis étaient prêts à utiliser la bombe en cas d'un autre ajournement des pourparlers de paix. Il convient de noter que, juste un an plus tard, Dulles offrit également deux bombes atomiques aux Français assiégés à Dien Bien Phu, au nord-ouest du Vietnam. Heureusement, Georges Bidault, l'homologue de Dulles au Ministère des Affaires étrangères français, déclina l'offre en raison de sa sage considération que les forces françaises seraient anéanties si les armes atomiques étaient utilisées.

A au moins deux autres occasions, les États-Unis avaient sérieusement envisagé d'utiliser des armes nucléaires contre la Corée du Nord. La première en 1969, quelques mois après que Nixon devint président, lorsque les Nord-Coréens abattirent apparemment un avion américain, tuant trente et une personnes. Nixon et son secrétaire d'État, Henry Kissinger, recommandèrent le largage d'une bombe nucléaire, mais furent par la suite amenés à rejeter le projet. La deuxième fois, en juin 1994, lorsque le président Bill Clinton fut sur le point de bombarder le programme nucléaire de la Corée du Nord à Yongbyon. Bien que la quesiton n’est pas clair de savoir si Clinton avait l'intention d'utiliser des bombes nucléaires de faible niveau, il était clair par contre que le bombardement d’installations nucléaires risquait de provoquer un rayonnement important sur une large zone. Seules les interventions personnelles du président sud-coréen Kim Young-sam et de l'ancien président américain Jimmy Carter, dans le cadre d’une mission diplomatique d'urgence, évita la crise dans les heures précédant le bombardement prévu.

 

 

par Brian S. Willson, avril 2013
Traduction Christiane Carlut

>> Voir Mémorial de la guerre, Séoul : Les guerillas gauchistes - L'ennemi est dans nos rangs.