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NOTES DE LECTURE
Ed. St Simon, Paris 2011

MyersDoigt

 

- p12 : erreur la + courante est de projeter sur les nord coréens le sens commun et les valeurs de ‘occident ou ceux des sud coréens : donne une image erronée de l’idéologie de la Corée du nord :
>> régime communiste pur, stalinien, en dépit  de sa théorie explicitement raciste, de sa proclamation que la « race » coréenne est la + pure et la plus immaculée des races
>> patriarcat confucéen en dépit de ses figures d’autorité maternelle
>> hypothèse : Corée du nord étrangère au communisme, au confucianisme et à la doctrine vitrine du Juché
Peut être résumée ainsi : de sang trop pur, le peuple coréen est par conséquent trop vertueux pour survivre dans ce monde malfaisant sans un grand guide familial.
Ressemblance avec le fascisme japonais
Nationalisme paranoïaque et raciste.

P15 : si régime multiplie les provocations sur la scène internationale, ce n’est pas pour conjurer une quelconque attaque extérieure. C’est à cause d’une crise de légitimité interne.

P16 : la RPDC s’exhibe à l’extérieur comme nation incomprise cherchant à s’intégrer à la communauté internationale mais se présente à ses propres citoyens comme un état voyou qui rompt les accords en toute impunité, dicte ses conditions à des officiers américains déférents, maintient ses ennemis dans la crainte récurrente d’une rétorsion balistique
>> en règle général, moins un élément de propagande sera accessible au monde extérieur, plus brutale et belliqueuse sera l’expression de son orthodoxie raciale.

p23 : colonie japonaise
1905 : protectorat japonais sur la Corée
1910 : annexion japonaise.
- Japon cherche à entretenir  la fierté coréenne 
- coréens / japonais : une seule race impériale, moralement supérieure aux autres / - - Naisen Ittai (l’intérieur (le japon) et la Corée ne font qu’un).
- Corée xénophobe mais pas nationaliste avant annexion.

p25 : nationalistes coréens tentent de contrer propagande japonaise unificatrice en ressortant légende de Tangun, personnage semi divin qui ensemence premier royaume de Corée en 2333 av JC.
Conte fait descendre les coréens à une race pure, ancrée dans une culture d’un millénaire plus longue que les japonais.
Mont Paekdu : naissance de Tangun.
Yi Yong-hun (historien coréen) : « les mythes et les symboles nécessaires à la formation d’une nation furent créé de toutes pièces avec à l’esprit ceux du Japon, à la fois en les imitant et en s’y opposant. »
- vers 1944, les communistes, nationalistes et libertariens soutenaient le régime japonais.

P26 : régime japonais entretenait la fierté de l’histoire péninsulaire à des fins impérialistes en incitant les coréens à s’installer en Mandchourie pour récupérer leurs anciens territoires.

Propagande ne touchait pas la partie illettrée de la population mais les classes cultivées. Années 20, classes moyennes et supérieures parlaient japonais à la maison.

P27 : 9 aout 1945, Hiroshima, URSS entre en guerre contre japon.
15 aout, armée rouge progresse ne Corée
- usa et URSS avaient déjà décide de se partager Corée, sans demander avis des coréens (URSS = Pyongyang / usa = Séoul).

P30 : 14 octobre 1945, rassemblement de masse à Pyongyang en l’honneur des libérateurs soviétiques.
- Kim il-sung, 33 ans, capitaine dans armée rouge, prend parole. Avait passé guerre du pacifique en URSS, et combattu jamais dans l’armée de Mao Zedong

p32 : parti des travailleurs doit attendre 1948 pour se voir administrer un cours accéléré de marxisme-léninisme.

Les ex-collaborateurs japonais, initiés au monde de la pureté raciale par les japonais, ressortent la légende de Tangun, l’antique géniteur de la race coréenne que les nationalistes avaient échoué à populariser dans les années 20 : ils enseignaient au peuple qu’il était le plus pur du monde, que leur vertu les avait rendus aussi vulnérables que des enfants dans un monde malfaisant.

Romanciers et peintres s’attachent, dans leurs descriptions de l’époque coloniale, aux travaux forcés des enfants, renforçant ainsi l’idée d’une race d’enfants molestée par une race d’adultes.

P34 : fin des années 40 : nouvelles images d’une race coréenne infantile, exposée dans les histoires d’amitiés soviéto-coréennes
- auteurs décrivent hommes et femmes souffrant et emmenés à l’hôpital sur le dos de docteurs et d’infirmières russes : héroïnes comparées à des mères, coréens à des enfants.
- ces images de soumission filiale destinée à flatter les soviétiques et à plaider la cause d’une race qui, trop pure pour subvenir à ses propres besoins, cherche la protection du giron maternel.
- les étrangers sont intrinsèquement malfaisants / les coréens intrinsèquement vertueux : réinvention du passé (comme mythe d’une France de résistants et mythe d’une Pologne de victimes)

p35 : image de pureté innée et de vulnérabilité que les nord coréens se sont donnés d’eux-mêmes a entretenu à la fois antipathie et dépendance économique à l’égard de leurs alliés.

- iconographe du nouveau culte de la personnalité : difficulté de présenter Kim Il-sung comme incarnation de la candeur coréenne et brillant guerrier révolutionnaire. Régime réarrange les vertus ethniques en y incluant la force, la discipline, et la sagesse
- Han Sor-ya et d’autres artistes et auteur nord coréens célèbrent un chef maternel et maternant qui doit ses succès surtout à sa candeur et à son innocence : selon eux : Kim Il-sung a appris le marxisme-léninisme avec son cœur, pas avec sa tête et ses meilleures idées lui venaient dans on sommeil. 

P36 : l’histoire ne dit pas que Le General a passé la guerre en URSS, on dit qu’il a combattu la puissance occupante japonaise avec ses soldats dans une base secrète au Mont Paekdu : 1- résout le fait que personne n’a vu Kim + le lie à Tangun.

P37 : comme sous la propagande japonaise, dualisme dominant oppose la pureté à l’impureté, la propreté à la saleté. Les protagonistes des contes sociaux sont de jeunes gens puérils et rougissants et de jeunes vierges.

Nord coréens voient URSS comme supérieurement développée et moralement inférieure (id usa)

P39 : 13 aout 1948 : Syngman Rhee (premier président Corée sud jusqu’en 1960) proclame république de Corée à Séoul. Au nord, voyant s’envoler tout espoir de réunifier la Corée, soviétiques laissent le pouvoir à Kim il Sung
- rpdc installée le 9 septembre 1948.
- fin 48, troupes soviétiques se retient de la péninsule.
- Kim demande rapidement renfort URSS pour tenter une réunification militaire
- 25 juin 1950 apc (armée populaire de Corée) déclenche le « Grande Guerre Patriotique » : attaque surprise.
- Séoul prise le 28 juin.
Mac Arthur arrive en septembre et renverse le cours de la guerre.
- ONU entrent en guerre, puis le Chine en octobre, qui reprend Séoul, qui retombe aux mains de l’ONU
- alliés chinois traités, cause xénophobie, avec hostilité.
- représentation des américains (femmes et enfants compris) comme race naturellement dépravée (atteints de « crétinisme » inné)

p41 : 1952, Kim sollicite aide Chine pour obtenir cessez-le-feu. Mao et Staline l’encouragent à tenir bon.

1953, mort de Staline, Moscou permet à Kim ouvrir négociations.
Corée nord et Chine signent armistice avec usa le 27 juillet 1953
>> Pyongyang célèbre depuis la « reddition de l’ennemi » (photos d’américain épuisés).
- Propagande intérieure développe vertus coréanité : tous les succès « attribués aux travailleurs coréens sans aide étrangère ».

P 42 : 1956, Kim purge le parti de ses éléments yenan (communistes pro-chinois) et soviéto-coréens. Les remplace par frères d’arme de ses années de guerre.
- collectivisation intensive de l’agriculture (trop poussée au gout de Moscou !) : imite grand bon en avant chinois, mouvement Ch’ollima (cheval ailé).
- chrétiens envoyés dans des camps ;
- donne image erronée d’un état stalinien pur et dur.
- obéît en fait au nationalisme nord coréen qui considère la race infantile comme naturellement collectiviste et au besoin de Kim de s’assurer la sécurité intérieure du pays.
- 1977, Kim Il-sung à Erick Honecker (Allemagne est) : « Plus le niveau de vie augmente, plus le peuple devient idéologiquement paresseux et bâcle ses activités ».
- xénophobie contre diplomates Europe de l’est, contre ambassadeur noir de Cuba en RPDC.

P45 : relation Pékin/Pyongyang empire en 1966 quand Mao déclenche révolution culturelle (incursion chinoises en rpdc, crainte d’un coup d’état chinois).
- 1966 : recensement habitants : divisés en 3 classes selon antécédents familiaux (Songbun) : les « durs », cadres de haut rang et leurs familles, les « hésitants », càd les coréens moyens, les « hostiles » anciens propriétaires et autres subversifs potentiels.
- punitions, rationnement jusqu’à emprisonnement. Gouvernement sait, comme japonais exploiter le conformisme des coréens.

Modèle chinois : Mao comme poète / Kim Jon-il publie pièces révolutionnaire « écrites dans sa jeunesse ». Longue marche de Mao /longue marche de Kim Jon-il. Mao chassé japonais sans aide ext / Coréens retirent innombrables ouvrages qui font réf à l’armée rouge. Mao comme penseur politique / nécessité de donne rune pensée à Il-sung : le Juché

P48 : Hwang Chang-Yop convainc Kim Il Sung de le laisser créer le Juché, comme contribution originale coréenne au marxisme. Juché né en septembre 1972. But de créer quelque chose d’inoffensif, d’impénétrable et d’impressionnant.
- véritable idéologie régnante est le nationalisme paranoïaque.

P49 : contradiction entre idée centrale du juché que le peuple est maître de son destin et la sacro-sainte idée d’une race infantile et vulnérable, laissée aux ons oins protecteurs du Guide.
- Juché : permet de consacrer Il-sung comme grand penseur + permet de masquer aux étrangers la véritable idéologie dominante.
- au lieu d’une conception du monde raciste et implacablement xénophobe, largement issue de la mythologie fasciste japonaise, le monde y voit un nationalisme d’état, rassurant dans sa platitude, conçu par des coréens postcoloniaux, ancré dans des principes humanistes et manifestant  une préoccupation funeste, sinon compréhensible, pour l’autonomie et l’autosuffisance.
- incohérence du juché donne impression texte difficile et impénétrable.

P50 : Kim Il-sung, comme Hirohito, plutôt une figure maternelle que patriarcale. Se fait donner titre androgyne de Guide familial. Difficile à réconcilier avec la confucianisme attribué à la rpdc, qui énonce qu’une mère doit obéir même à ses propres fils.

P51 : nord coréens bon souvenirs années 70, mieux nourris et logés que idag, aide économique de Cuba et de la Bulgarie.

1982 : KJ-il entre à l’assemblée populaire. On insiste sur sa naissance au mont Paekdu, sur l’amour qu’il porte à son père et son expertise cinématographique. Considéré comme encore plus maternel que son père, « encore plus une mère que toutes les mères du monde » (discours sur un ton très doux et calme # ton de Il-sung)

p52 : Juché = autosuffisance, mais politique économique rpdc = isolationniste
- comme hikikomori, KI-sung croit que meilleure manière renforcer sécurité et isolation coréenne n’est pas renforcer l’économie, mais de s’en remettre indéfiniment à l’aide internationale.
- 1987, URSS réduit son aide drastiquement. 1989, Erik Honecker chassé d’Allemagne de l’est. Moscou exige de RPDC paye les produits soviétiques au cours du marché mondial (avant 1/3 ?). Importations chutent en proportion
- années 90, parti lance slogan « Prenons 2 repas par jour », et la glorification de l’autosacrifice des « héros cachés » dans les fermes et les usines.

- KI-sung meurt 8 juillet 1994 à 82 ans, « d’épuisement au travail ».
- famine de 1995/97 : Le Guide avait nourri et habillé son peuple jusqu’à sa mort…

p55 : Cher Guide (KJ-il) succède à son père en juillet 1994. KI-sung demeure le « président éternel de la République »
- production agricole chute brutalement
- fin 1994, système  de rationnement a cessé de fonctionner hors de Pyongyang. Il fallait sérieusement diminuer les attentes que le peuple mettait dans le nouveau dirigeant avant que les restrictions alimentaires empirent.
- 1995 : apparition d’un gouvernement de « primauté à la défense », contraint de consacrer tout son temps à la défense nationale.

P56 1994/95 : époque de bonnes relations avec USA, Clinton qui apporte une importante aide énergétique. KJ-il doit à la fois entretenir espoirs de bonnes relations avec USA et entretenir anti-américanisme à l’intérieur des frontières.
- accord-cadre signé en 94 avec Clinton présenté comme bataille gagnée contre usa, mais pas la guerre : nécessité pour KJ-il de visiter bases militaires : provinces allaient devoir porter l’autosuffisance au cran supérieur et se nourrir elles-mêmes.

P57 : pillage des usines, désertion des soldats, témoignages de cannibalisme.
- 1 million d’habitants, soit 5% de la population sont morts de faim entre 1995 et 97.
- dizaines de milliers passent le fleuve Tumen pour passer en Chine.

P58 : famine n’affaiblit pas vraiment régime rpdc : à la différence de l’URSS et de la chine qui avait perdu leur crédibilité en niant la réalité de la crise économique, KJ-il n’avait pas besoin de nier la crise puisqu’il ne tirait plus sa légitimité d’un quelconque engagement à améliorer le sort des coréens.

P59 : 1998, famine passée. Régime lance slogan « Un grand pays, fort et prospère ».
- 2000 : KJ-il accepte rencontre avec Kim Dae-Jung, président Corée du sud, avocat de la « politique du rayon de soleil » de réconciliation avec le nord.
- 15 juin 2000 : engagement à travailler à une « réunification ». Aides massives de Séoul. KJ-il ne peut plus continuer à insulter officiellement le sud comme marionnettes des Yankees.
- Agence de presse officielle (KCNA) cesse ses attaques et est relayée par organismes moins visibles.
- Informations officielles : Kim Dae-jung voulait demander KJ-il renoncer au socialisme, mais médusé par son génie, il accepte les exigences de coopération intercoréennes de KJ-il.
- 2002 : Bush inclut Corée nord dans « axe du mal ». KCNA qui, depuis sa création en 1948, accuse USA d’être « malfaisants », recommence à diaboliser USA.

P61 : été 2003, RPDC accepte pourparlers sur le nucléaire avec usa, chine, japon, Russie, Corée sud. Propagande interne rappelle nature « malfaisante » des américains, diffuse « Chacals » (1951), récit canonique des missionnaires chrétiens assassins, avec illustrations de Yankees au nez crochu et aux yeux enfoncés.
- 2000 : régime admet le fait que la Corée du sud bénéficie d’une niveau de vie supérieure (ne peut plus le nier). Cette prospérité du sud attribuée à la politique de « primauté à la défense » de KJ-il, qui aurait empêché les yankees de se lancer dans nouvelle guerre contre la péninsule. Les coréens du sud, malgré leur richesse, aspirent à se débarrasser de leurs oppresseurs (usa) et à se jeter dans les bras du Cher Guide. …

p62 : fin années 90, vague de sympathie des coréens du sud envers rpdc : due à la disparition du discours anti rouge, à des foyers, au sud, d’antiaméricanisme et de gauchisme.
- Coréens du sud voit dans le manque de démocratie du nord une différence inoffensive de niveau de développement

p63 : gouvernements de Kim Dae-jung et Roh Moo-hyun (1998-2008) ont encouragé une ligue antiaméricaine à l’école et ont incité les médias à « finlandiser » leur traitement de rpdc.
- jeunesse Corée nord adopte mode, musique argot Corée du sud. Attribué à un complot de la CIA pour déstabiliser la rpdc :
- discours 2005 KJ-il :
« Grâce à toutes sortes de faussetés et de tricheries, les impérialistes et réactionnaires paralysent la bonne santé de la pensée du peuple tout en répandant chez lui des idées réactionnaires bourgeoises et des coutumes bourgeoises pourries ».
- « Que se passerait-il si nous succombions et ne parvenions pas à bloquer les coutumes que ces salauds diffusent ? En un mot, nous deviendrions... Incapables d’adhérer au socialisme. Surtout, nous ne pourrions plus défendre la révolution jusqu’à la mort ».

p67 : 2007, élections présidentielles Corée sud : RPDC se concentre sur « traître » Lee Myung-bak qui veut renforcer alliance usa et arrêter aide inconditionnelle rpdc.
- octobre 2007, deuxième sommet nord-sud : on s’attend à ce que KJ-il fasse concessions pour contrer Lee sur la politique du Rayon de soleil et augmenter chances candidat pro RPDC.
- mais porosité censure du nord. KJ-il ne peut plus espérer réitérer l’exploit de se faire passer au sud pour un pacifiste jovial et au nord pour l‘hôte condescendant d’un sud qui fait allégeance. Ce qu’une moitié de la péninsule verrait et entendrait, l’autre le verrait et l’entendrait aussi.

P68 : désaffection électorat sud-coréen pour la politique du rayon de soleil contribue victoire candidat conservateur.

P72 : novembre 2009, marine rpdc franchit frontière maritime en mer jaune. Sud renvoie navire en flammes de l’autre côté de la ligne nord. Experts coréens et usa en concluent que cette provocation avait pour but légitimer accession de Kim Jong-eun au pouvoir. Manière de légitimer le régime de primauté à la défense.

26 mars 2010 : corvette sud-coréenne Cheonan s’approche côtes de Corée du nord. Rpdc le fait exploser à la torpille, 46 matins tués. Gauche sud coréenne pense que manipulation.
Juin 2010, Lee perd les élections, écrasé par partis de gauche qui lui attribue détérioration relations intercoréennes.

23 novembre 2010 nord lance attaque d’artillerie contre l’île de Yongpyong; située au sud de la NLL ( ?). Riposte tardive du sud par bombardement tue 2 soldats et 2 civils rpdc.

P76 : constitution nelle rpdc d’avril 2009 ne fait pas mention de communisme, plutôt d’un socialisme « de primauté à la défense ».

P79 : Mère Corée et ses enfants

P80 :
« La mono-ethnicité (tanilsong) est quelque chose dont notre nation et nulle autre sur terre peut être fière. La nation ne peut retenir sa honte et sa colère à l’idée d’une « société multiraciale, multiethnique » qui diluerait la sang de notre peuple ».
(quotidien Rodong Sinmum, Pyongyang 27/04/2006)

- idée d’une unité mystique entre une nation et son territoire est l’une des nombreuses correspondances entre la conception du monde de la Corée du nord et la pensée fasciste européenne.

- lien avec toiles paysagistes monumentales : les caractéristiques physiques de la mère patrie – de la solitude des sommets à la pureté des lacs d’altitude reflètent les vertus de la race elle-même.
- forêt profonde comme archétype universels des instincts. En Corée du nord, un lieu sûr et utérin qui donne un avantage décisif contre l’ennemi.
- des vagues gênâtes se jetant sur côtes rocheuses de la mère-patrie : une image populaire depuis l’effondrement de l’économie nationale début années 90.

P81 : propagande à usage interne compare toujours le pays à la mère, non au père. Kim Jong-il :
« le pays natal est la mère de chacun… du sein duquel découle tout le bonheur et la vraie vie ».

- Histoire de la mère Corée p81-82

- p83 : nord coréens ne sont pas victimes passives d’un endoctrinement. Idée fausse que le culte de la personnalité est à la base de l’idéologie officielle : culte personnalité découle en fait de mythes sur la race et son histoire qui exercent un fort attrait sur les nord-coréens.

- Japonais ont appris aux coréens à se prendre pour une race unique par sa pureté et sa vertu. Seul apport de Kim Il-sung : retirer les japonais de cette race, coréaniser les symboles japonais, remplacer Jimmu, fondateur japonais de la lignée par Tangun, remplacer le mont Fuji par le mont Paektu.

P84 : monuments : tour Juché, bronze géant Kim Il–sung, arc de triomphe (+ gd du monde), Ch’ollima, monument au parti des travailleurs

P85 : le blanc : neige comme symbole apprécié de pureté.
- Le blanc traverse toute la culture sociale. Prédilection légendaire de la race enfantine pour les vêtements bancs.
- Supériorité morale innée des nord-coréens # marxisme.
- Kim Jong-il : « notre peuple est le plus pur et le plus propre du monde ».
- racisme + propagé par omission et sous-entendus que de manière explicite. Dans le texte (propagande interne) pas de prétention à supériorité physique sur autres races.

- p87 être seuls vertueux dans monde malfaisant c’est être aussi vulnérable qu’un enfant.  Livres d’histoire renvoient image d’une nation restée dans l’enfance, qui ne souhaite que d’être laissée en paix mais se trouve perpétuellement soumise à la violence et à la pollution des étrangers.

- depuis avènement Kim Il-sung, coréens peuvent et doivent satisfaire leurs purs instincts infantiles. C’est pourquoi Parti se pose en mère nourricière et protectrice.

- 3 octobre 2003, Rodong sinmum :
« Le Grand Guide Camarade Kim Jong-il a souligné que « faire du parti un parti maternel veut dire que de la même manière qu’une mère aime profondément ses enfants et en prend chaleureusement soin, le parti doit prendre la responsabilité du destin du peuple, veiller sur lui pour les plus petits détails et devenir un vrai Guide et protecteur du Peuple ».

p88 : Omoni, un des poèmes les + connus du pays :
Ah parti des travailleurs de Corée
En ton sein ma vie commence et s’achève ;
Que je sois enseveli ou dispersé par le vent
Ton fils je demeure et en ton sein je reviens !
Remettant mon corps entre tes mains aimantes,
Sous ton regard affectueux
Mes pleurs seront toujours ceux d’un enfant,
Mère ! Sans Mère, je ne saurais vivre !

- infantilisme d’état exerce une forte séduction psychologique

- Croyant, comme St Just, que le peuple est un éternel enfant, Lénine voyait dans le raison d’être du parti l’obligation de le faire grandir.

A l’opposé, la propagande rpdc déteste la discipline intellectuelle. Les coréens naissent purs et désintéressés, il doivent vires selon leurs instincts. Ils sont affranchis du corset de la raison. On n’attend pas des cadres qu’ils enseignent mais qu’ils chérissent. Les intellectuels sont des personnages négatifs. Le stalinisme met la raison au-dessus des instincts, la culture nord-coréenne fait l’inverse

- p90 : Arirang : chorégraphies de masse. Rien à voir avec les austères exercices staliniens, de joyeuses célébrations de l’homogénéité et de la pureté de la race dont découle sa supériorité.

- Primauté à la défense : KJ-il donne priorité à l’armée. Parti met armée sur un piédestal. KJ-il qualifie l’armée de « université de la révolution » et de « magnifique centre d’entrainement idéologique, intellectuel et physique »

- soldat érigé comme modèle à suivre, pas le cas des cadres du parti. KJ-il « aime les guerriers par-dessus tout. »
- l’entrainement militaire doit accompagner les instincts de la recrue  et non pas s’y opposer.  La discipline ne doit jamais étouffer la spontanéité inégalée de la race.
- soldats comme héros juvéniles, de grands enfants.
- la vie sous l’uniforme se nourrit davantage de ses joies fraternelles et saines que de ses rigueurs intellectuelles et physiques. Gaieté turbulente est considérée avec le sourire comme la marque d’une authentique innocence et candeur coréenne.
- glorification des comportements instinctifs de l’armée (meurtre à la hache à  Panmunjom) a affecté a vraie vie militaire : frictions entre armée et population.

P92 : « Bataille des 100 jours », automne 2009 : campagnes pour stimuler la production. Parti compare travailleurs à des guerriers, installe panneaux dans les usines indiquant les « champs de bataille ».

- contes de la propagande met + souvent en scène jeunes filles que jeunes gens = symbolisent + chasteté et pureté donc coréanité (voir Ch’unhyang). Incarnent juvénilité et attitude nourricière et maternelles des figures d’autorité. Infirmières doctoresse = héroïnes courantes. Le texte (pro interne) les présente souvent comme ayant grandi sans père et donc dans environnement plus spontané.

P94 : contenu idéologique des récits nord-coréens plus faibles que ce que les étrangers peuvent penser. pensée du Juché rarement assumée ou expliquée, d’abord conçue à l’intention d’un public étranger. Difficile de réconcilier ses principes universalo-humanistes (homme est le maître de toutes choses) avec le nationalisme paranoïaque qui est l’idéologie de fait.

P101 : rpdc contredit les enseignement de Confucius : C exige ascèse culturelle par l’étude / rpdc enjoints ses sujets de demeurer aussi infantiles et spontanés que possible. C ne hiérarchisait pas les races / rpdc : seuls coréens sont vertueux. Rpdc n’admet pas le culte des anciens.

P102/104 : mythobiographie de Kim Il-sung

P105 : culte de la personnalité émerge quand dictature personnelle prétend passer pour une démocratie : donner l’impression que, grâce à son talent unique et à l’amour unanime que lui porte le peuple, son règne constitue le parfait avènement des idéaux démocratiques.

- là où les cultes chinois et soviétiques font découler la grandeur de leurs dirigeants respectifs de la leur maîtrise absolu du matérialisme dialectique, le culte nord-coréen fait découler celle des Kim de leur incarnation des vertus ethniques : il est le coréen le plus ingénu, spontané, aimant.

- on ne montre jamais Kim (Il-sung) en train de penser : pourrait affaiblir son naturel et son ingénuité. Kim à la fois comme incarnation de l’ingénuité et aussi comme brillant stratège révol. Années 40 et 50, tentative de réduire cette contradiction en prétendant que meilleures idées de Kim lui venaient dans son sommeil… Voir peinture avec Kim Chong-suk, sa femme, qui protège son mari et tire sur l’ennemi japonais.

P107 : la propagande ne s’est jamais souciée de réalisme ni de cohérence, régime préfère pendre un passé pique et magique qui doit être accepté tel quel.

P108  rondeurs de Kim symbolise la liberté nouvelle qu’a la race de se laisser aller à ses instincts innocents. Les lettres capitales s’appliquent à toutes les déclarations authentiques des KIM (sinon, minuscules)

retouche : discours triomphal de Kim Il-sung le 14 octobre 1945 à Pyongyang. Généraux soviétiques qui se tenaient derrière Kim ont disparu de l’image ainsi que l’étoile rouge sur sa poitrine.

 

P109 : conseils de terrain dans les fermes, les usines, les chantiers. Plaques et pierres gravées, fixées sur les sites correspondants.

P112 : caractère hermaphrodite du terme « parent ». KJ-il décrit longuement comment les qualités maternelles de son père ont été la clé de son succès :
« Comme une mère méticuleuse et sensible, le Guide a pris sur lui de parfaitement connaître les gens, et d’un mot de faire en sorte qu’ils se sentent mieux, il est donc bien naturel que chacun croie le Guide et le suive. »

p113 : chant « Le guide en visite aux sentinelles »
Le Guide est venu jusqu’au poste
Et nous a serrés affectueusement contre lui
Si heureux de cet amour chaleureux qu’il nous accorde
Nous avons enfoui nos visages en son sein
Ah ! Il est notre parent
Ah ! Un fils dans ses bras
Est partout et toujours heureux.

P115 : Hirohito apparaissait comme le parent hermaphrodite d’une race infantile dont il incarnait les vertus. Associé à des symboles de pureté, on le voyait habillé de blanc, monter des cheveux blancs, à proximité du sommet enneigé du Mont Fuji.

P116 : occidentaux doute que les nord coréens croient eux-mêmes dans culte personnalité de Kim. Scepticisme vient du souvenir des doubles vies que menaient les habitants du bloc de l’est. Mais sud-coréen ont toujours sincèrement adoré Kim Il-sung, son image androgyne exerce séduction puissante

Théorie raciste des nord-coréens leur donne raison supplémentaire de vouloir un dirigeant à la fois assez maternel pour leur permettre de se laisser aller à leur infantilisme inné et assez paternel pour les protéger d’un monde méchant.

 
P119 : Kim Jong-il
- disparition subventions soviétiques début années 90 : Kim Il-sung contrôlait toute la vie politique du pays, KJ-il n’est que le Général de la primauté aux armées, contraint par la menace yankee de se concentrer sur la défense nationale aux dépend des affaires économiques
- il ne s’agit pas d’un état marxiste-léniniste voué à l’amélioration des conditions de vie matérielles, mais d’un état nationaliste dont la fonction principale du dirigeant est d’incarner les vertus coréennes.
- KJ-il vénéré avec moins de ferveur que son père, mais cependant aimé de son peuple parce qu’il apparaît plus humain et plus vulnérable que lui, donc plus proche du monde de l’enfance.

- p120 : mythobiographie de Kim Jong-il.

P124 : Kim Il-sung souvent peint ciel bleu ensoleillé, Kim Jong-il sous climat inclément, ou vagues s’écrasant contre rochers.  Il affronte des circonstances encore plus difficiles que son père :

Transition, de Pak Il-myong :
« L’année a été dure. Poursuite du blocus politique et économique des impérialistes et, sur la scène mondiale, guerre et conflit, famine et extrême pauvreté, oppression sans précédent qui menace l’humanité – ce fut une année durant laquelle ces événements ont enveloppé la Terre tel un nuage noir ».
KJ-il pas responsable des problèmes endurés. Et les choses sont pires ailleurs : média rendent comptes des catastrophes naturelles en Afrique et ailleurs…

P126 : pénuries alimentaires attribuées à combinaison de catastrophes naturelles et échec général de l’application des enseignements de KI-sung : c’est le peuple qui a laissé tomber le Guide et non l’inverse…

P130 :
Sa cohésion tenant moins du simple lien qui lie un chef à ses guerriers que du lien familial entre une mère et son enfant partageant le même sang et le même air, la Corée prospèrera pour toujours. Laissons venir à nous l’ennemi impérialiste et ses armes nucléaires car aucun pouvoir sur Terre ne peut défaire notre force et notre amour et la puissance de notre croyance qui, grâce aux liens de sang entre une mère et son enfant, créent une forteresse habitée d’un cœur unique et sincère ? Notre Grande mère, général Kim Jong-il.
Korean Central News Agency, 9 octobre 2003.

 

P135 : Corée du nord souvent qualifiée de solipsiste : se pense comme seule réalité, tout le reste n’est que représentation, fruit de l’imagination.

P136 : texte du marché intérieur : si les Chinois en visite au musée de la Guerre à Pyongyang peuvent y voir des témoignages des immenses sacrifices accomplis par leur pays, les autochtones suivent un autre parcours où il n’y est fait aucune mention.
- Russie traitée de la même manière : visite de délégations russes et des chorales militaires passent à la une des journaux du soir, mais URSS vilipendée dans la propagande moins visible (laquelle ?)

p138/140 : mythe antiaméricain

p140 : Yankees : race intrinsèquement mauvaise, inapte au changement. Les dictionnaires et les manuels scolaires de la RPDC invitent les habitants à décrire les Yankees avec des « naseaux », des « museaux », des « pattes » et à dire qu’ils « crèvent » plutôt qu’ils meurent.

P141 : nouvelle Sungnyangi (Chacals) 1951.
« Tel un bec d’aigle, le nez du vieux chacal pendant monstrueusement au-dessus de sa lèvre supérieure, tandis que les tétons de la renarde saillaient tels l’estomac d’un serpent qui viendrait d’avaler un démon, et le louveteau gluant suintait le poison comme la tête d’un serpent venimeux qui aurait tout juste avalé sa peau. Leurs six yeux enfoncés… ressemblaient à des tombes ouvertes attendant des corps pour l’éternité. »

p142 : propagande antiaméricaine surtout concentrée sur massacres isolés de villageois.  Massacre de Sinch’on en octobre 1950 tenu pour le crime le plus haineux des américains, mais perpétré en réalité par Coréens de droite.

P150 : la fable de l’Amérique tremblante de peur devant la rpdc a permis au régime de faire passer les envois d’aide alimentaire qui commencèrent au milieu des années 90 pour des réparations.

P151 : durant une bonne partie des années 90, le souhait du régime d’apparaître à la fois comme une superpuissance invincible et la victime affligée des calomnies américaines obligeait le texte à s’en tenir à un flou presque comique.

P152 : l’Amérique est pour le régime un bouc émissaire trop précieux pour jamais prétendre l’avoir vaincue u une fois pour toutes.

 

Poème « Grandir vite, vite » 2004

Oh combien amer a-t-il dû se sentir (Kim Jong-il)
Pour être demeuré si longtemps
Devant la tombe des 102 enfants
Le poing serré en silence.

Le Père Général a dû venir à Sinch’on
Où sont morts tous les enfants de mon âge
Pour s’assurer qu’en ce pays
Jamais plus il n’y aurait de Sinch’on sanglant…
Alors, cette promesse prise en mon cœur
Je vais rejoindre l’armée ;
Je prendrai deux fusils, trois fusils
Et abattrai tous ces salauds d’américains
Ah Grandir vite
Grandir vite, vite.

P155 : Depuis que Kim Jong-il a constitué son gouvernement de « primauté à la défense », rejetant ainsi toute responsabilité quant à la ruine économique du pays, le baisse de tension entre Pyongyang et Washington dans le monde réel s’est traduite par une intensification de l’antiaméricanisme et non sa diminution. On ne peut en conclure qu’une chose : le régime craint que les nord-coréens puissent cesser de percevoir les USA comme un ennemi, ce qui le mettrait dans l’impossibilité de justifier son règne – voire même l’existence de la RPDC en tant qu’état  distinct.

P157 : propagande Kim Il-sung : dépeint la Corée du sud comme l’antipode appauvri du « paradis sur terre » du nord : « un enfer vivant » où les enfants fouillent  les poubelles pour manger tandis que des soldats américains s’exercent au tir sur eux.

P159 : mythe de la colonie Yankee.

P161 : description de la Corée du sud, roman « A, choguk » (Ah, Mère Patrie, 2004)

Vers la fin du livre : Kim Jong-il a confessé à Madeleine Albright que le marxisme léninisme, le juché n’était qu’une fiction destinée à tenir le pays….

B.R. MYERS : "LA RACE DES PURS"

ASSOCIATION D'AMITIE FRANCO-COREENNE  :

"LA RACE DES PURS, OU LA CORÉE DU NORD IMAGINAIRE DE B.R. Myers"

 

http://www.amitiefrancecoree.org/article-la-race-des-purs-ou-la-coree-du-nord-imaginaire-de-b-r-myers-99858494.html

 

"Docteur en études nord-coréennes" de l'Université allemande de Tubingen, l'Américain Brian Reynolds Myers dirige le département d'études internationales de l'Université Dongseo, en Corée du Sud.  En 2010, il a été l'auteur d'un ouvrage, traduit en français et publié par les éditions Saint-Simon sous le titre La race des purs. Comment les Nord-Coréens se voient, qui cherche à s'imposer comme une lecture raciste ou racialiste de l'idéologie nord-coréenne. Si l'hypothèse est moins audacieuse qu'elle n'y paraît à première vue (B.R. Myers ne réinvente-t-il pas la vieille lune de l'amalgame communisme-nazisme, théorisé sous le vocable de totalitarisme ?), elle apparaît surtout très mal étayée, faute d'une étude approfondie des textes fondamentaux nord-coréens et, plus encore, elle se fonde entièrement sur un parti pris que l'auteur a cherché à étayer coûte que coûte, plutôt que d'étudier différentes hypothèses qui auraient pris en compte les spécificités historiques et culturelles de la Corée, nation qui n'est pas née avec l'avènement de la République populaire démocratique de Corée en 1948. Au final, la démarche de B.R. Myers relève plus de la propagande que de l'analyse sérieuse du chercheur, et elle souffre durement de la comparaison avec les travaux de recherche d'auteurs américains comme Bruce Cumings et Charles K. Armstrong. qui, eux, ont étudié des masses considérables de documents nord-coréens suivant une méthode universitaire.

En englobant l'ensemble des sources nord-coréennes auxquelles il a eu accès sous le vocable du "Texte", comme s'il existait une bible de l'idéologie de la RPD de Corée (cf. préface p. 17), B.R. Myers avoue d'emblée qu'il n'a pas conduit un travail de chercheur qui s'efforcerait de mener une analyse critique des nombreux documents qu'il dit avoir compulsés, mais qu'il ne cite que de manière très lacunaire. S'érigeant en exégète des écrits théoriques de la RPD de Corée (avec cette question à laquelle il évite de répondre : à quel titre ?), docteur d'une université peu connue internationalement pour ses études nord-coréennes, B.R. Myers a écrit un court ouvrage en petit format de 184 pages, dépourvu de toute bibliographie ou d'analyse des sources, qui quitte le champ strict des recherches universitaires pour entrer dans celui du pamphlet, lequel constitue un genre littéraire en soi qui mérite de retenir notre attention.

La race des purs développe une seule et unique idée, obsessionnelle dans la démarche de B.R. Myers, qui croit avoir reçu la révélation ayant échappé avant lui à tous les chercheurs sur la Corée du Nord : "Ce livre entend expliquer l'idéologie dominante de la Corée du Nord ou sa conception du monde - j'utilise indifféremment l'une ou l'autre expression - et de démontrer à quel point elle est étrangère au communisme, au confucianisme, et à la doctrine-vitrine qu'est le juche. Bien plus complexe que tout ceci, on peut la résumer ainsi : de sang trop pur, le peuple coréen est par conséquent trop vertueux pour survivre dans un monde malfaisant sans un Grand Guide familial. S'il fallait situer cette conception raciale du monde sur une échelle gauche droite, elle trouverait plus logiquement sa place à l'extrême droite qu'à l'extrême gauche du spectre. La ressemblance avec le fascisme japonais est en effet frappante" (préface, p. 13).

D'emblée, de manière intellectuellement étroite, B.R. Myers exclut ainsi toute hypothèse selon laquelle les écrits théoriques de la Corée du Nord ne correspondraient pas nécessairement à la politique de la RPD de Corée, ou encore que les Nord-Coréens pourraient avoir une conception du monde qui ne recoupe pas point par point les textes officiels. Certes, contrairement à l'auteur de cet article, B.R. Myers n'a jamais fréquenté de près ou de loin d'autres Nord-Coréens que les transfuges passés au Sud, dont une partie sont devenus le fer de lance des mouvements anti-RPDC en Corée du Sud, étant instrumentalisés comme tels par l'extrême-droite sud-coréenne. Mais pourquoi avoir par principe ignoré un roman comme Des amis, où il n'aurait pas trouvé un seul exemple à l'appui de sa théorie racialiste de la Corée du Nord ? Un des vices fondamentaux du pamphlet de  B.R. Myers est d'avoir ainsi sélectionné les sources en fonction de la conclusion qu'il a voulu démontrer : la filiation entre le Japon militariste et racialiste et la RPD de Corée depuis 1948 (figée d'ailleurs dans une époque indéterminée).

La sélection partisane des sources aurait pu être comblée par la confrontation de plusieurs hypothèses. Là encore, B.R. Myers se garde bien de toute démarche de recherche critique. Un des principes cardinaux du confucianisme n'est-il pas le respect de l'autorité - de l'Etat, des pères et des maris - qui prédisposerait en soi à un modèle social patriarcal, tel qu'il le dénonce comme apparenté au militarisme japonais ? Ces principes très ancrés dans la culture coréenne n'ont-ils pas conduit à une imitation, revendiquée cette fois, du Japon de l'entre-deux-guerres par certains éléments de la junte militaire qui a exercé le pouvoir à Séoul pendant un quart de siècle, mais en Corée du Sud cette fois ? De tout cela, B.R. Myers ne souffle mot ; il suffit que le lecteur, qui n'a souvent qu'une connaissance superficielle de la Corée du Nord, croie B.R. Myers quand il affirme, péremptoirement, que la Corée du Nord ne peut être comprise sous le double angle du confucianisme ou de la coréanité, en évacuant d'emblée toute histoire de la Corée avant l'occupation et la colonisation japonaise, dont on ne sait plus très bien quand elle commence (1905 ? 1910 ?) à lire les premières pages de l'ouvrage.

Et là commence une entreprise systématique de révisionnisme historique, au sens propre du terme : réviser l'histoire coréenne telle qu'elle est admise non seulement par les chercheurs nord-coréens, mais aussi par les universitaires sud-coréens et des auteurs précités comme Bruce Cumings que B.R. Myers accuse de collusion intellectuelle avec la gauche sud-coréenne, sans s'interroger lui-même sur ses troublantes convergences avec les militants anti-RPDC par ses références à des sources comme DailyNK, site riche en témoignages souvent spectaculaires, mais généralement invérifiables.

Tout d'abord, B.R. Myers dresse le portrait mythique d'une Corée qui aurait collaboré avec ardeur avec le Japon. Cette image d'Epinal n'est pas propre à la Corée : on la retrouve dans le portrait d'une certaine France sous Vichy, à en croire des historiens révisionnistes... Dans l'histoire  coréenne ainsi revue par B.R. Myers, le lecteur ne sait donc pas que les bases révolutionnaires établies par les guérillas coréennes en Mandchourie préfiguraient la mise en oeuvre des réformes qualifiées de démocratiques, conduites en 1946 au Nord de la péninsule, ainsi que l'a démontré dans un  travail exhaustif Charles K. Armstrong. Pour le besoin de sa thèse, B.R. Myers a en effet eu besoin de gommer la légitimité historique de la RPD de Corée fondée sur la résistance du Président Kim Il-sung à l'occupation japonaise. C'est pourtant l'acquis essentiel des travaux de Charles K. Armstrong : comme la Chine ou le Vietnam, la RPD de Corée est issue de la résistance à une occupation étrangère.

De manière plus pernicieuse, à défaut de remettre en cause le passé de résistant de Kim Il-sung (comme l'a fait, pendant des décennies, l'appareil de renseignement du régime militaire sud-coréen), B.R. Myers invente l'idée que les responsables de la culture et de la propagande en Corée du Nord auraient tous été d'anciens collaborateurs. Pourquoi cacher le rôle fondamental des écrivains et des cinéastes, authentiques résistants, notamment ceux de la Korea Artista Proletaria Federatio (KAPF), dans la mise en place des nouvelles institutions culturelles de la RPD de Corée ? Il est vrai que le nom même de la KAPF est espérantiste, renvoyant à l'espérance d'un dépassement des égoïsmes nationaux, et qu'une telle référence ferait singulièrement tache dans l'assertion péremptoire de B.R. Myers que la Corée du Nord est un dérivé du militarisme fasciste japonais... Doit-on y voir une ignorance de B.R. Myers, ou une omission volontaire ?

Le tour de passe-passe suivant consiste à identifier un discours sur les vertus, qu'on retrouve dans tout système de valeurs (qu'il soit religieux ou confucéen), à des valeurs racistes. Mais pourquoi la Corée du Nord, comme du reste la Corée du Sud, ethniquement homogènes à la Libération en 1945, devraient-elles être nécessairement vues comme enclines à un racisme d'exclusion ? La RPD de Corée a au contraire été un des premiers Etats décolonisés à soutenir les mouvements de Libération du Tiers Monde, du FLN algérien aux combattants contre l'apartheid en Afrique du Sud, en Namibie et en Rhodésie, sans oublier la résistance palestinienne. Des étudiants africains ou nord-vietnamiens ont été accueillis très tôt dans les universités nord-coréennes dès la fin des années 1950. Pourtant, seuls des incidents racistes ont la primeure de notre auteur (p. 43). N'en déplaise à B.R. Myers, il y a un authentique internationalisme prolétarien dans la politique et la diplomatie de la RPD de Corée qui a condamné fermement les politiques basées sur la racisme, et la fierté des Coréens de leur culture nationale est celle qu'on retrouve parmi de nombreux peuples du Tiers Monde ayant accédé à l'indépendance, avec cette différence avec une partie des nouveaux Etats que l'Etat coréen a une existence historique avérée plurimillénaire.

Le "culte de la personnalité" est évidemment mobilisé pour les besoins de la thèse fasciste de B.R. Myers (p. 35 sq). Là encore, nouveau mensonge par ignorance ou omission : le culte des fondateurs (de l'Etat, de la famille ou des chaebols sud-coréens) renvoie à un trait asiatique étranger aux conceptions occidentales du pouvoir, mais profondément ancré dans une culture coréenne et confucianiste que B.R. Myers refuse d'envisager.

La révision de l'histoire continue avec la guerre de Corée (1950-1953, p. 40 sq). B.R. Myers croit déceler une profonde hostilité vis-à-vis des Chinois dès cette époque, que contredit pourtant le fait que les Chinois sont aujourd'hui les seuls étrangers à pouvoir entrer et sortir comme ils le veulent de Corée du Nord, en reconnaissance du rôle joué il y a 60 ans, ou encore la célébration à Pyongyang du rôle joué par les volontaires chinois lors du conflit. De même, la lourde insistance sur les atrocités xénophobes commises par les Nord-Coréens est la remise en cause, sommaire, avec quelques maigres références, d'un travail bien plus approfondi conduit par Bruce Cumings sur la guerre de Corée, à partir d'archives d'époque et non plus des sources de seconde main éparses utilisées par B.R. Myers. Bruce Cumings est catégorique : si des atrocités ont été commises dans les deux camps, les troupes onusiennes sous commandement américain ont un plus lourd passif... De même, B.R. Myers semble n'avoir jamais lu la propagande lourdement raciste anti-asiatique des Américains entre 1950 et 1953, ni même entendu les faits de guerre des soldats occidentaux qui ont participé à cette guerre. Les références racistes, dans leur désignation même de tous les Coréens (y compris du Sud) sous le terme péjoratif de guk, sont pourtant légion. Qui étaient donc les racistes ?

L'histoire de la RPD de Corée que nous livre B.R. Myers sur plusieurs dizaines de pages est trop souvent un catalogue d'anecdotes tirées de divers services de renseignement ou d'auteurs anticommunistes. Pour fonder son analyse d'un Etat raciste, l'auteur a alors curieusement oublié le plus souvent les sources nord-coréennes qu'il prétend être sa base première. L'impression donnée est celle de la plaidoirie à charge d'un avocat, qui mêle faits avérés et récits invérifiables, dans une lecture revisitée de l'histoire nord-coréenne qui n'a pas d'équivalent à notre connaissance. Comme l'a résumé Dwight Gamer dans son commentaire de l'ouvrage pour The New York Times : "provocateur". A la manière d'un pamphlet, qui révèle clairement les positions néoconservatrices de son auteur lorsqu'il critique la politique du rayon de soleil des présidents démocrates Kim Dae-jung et Roh Moo-hyun comme un simple anti-américanisme (p. 63), et dont il ne cherche même pas à comprendre les causes ni le bien-fondé, ou lorsqu'il moque le sommet intercoréen de 2007 (p. 68) selon une lecture révisée de l'histoire qui n'a rien à envier à celle de l'extrême droite sud-coréenne, mais dont on ne trouvera nulle trace dans les textes nord-coréens.

La deuxième partie du livre, qui se veut basée sur les textes nord-coréens, n'est ni plus objective, ni plus exacte. Dans un salmigondis de citations dûment choisies pour les besoins de sa démonstration, l'auteur continue de multiplier les idées reçues en exhibant des textes qui peuvent semblent d'autant plus pertinents à l'expert et au néophyte qu'il s'agit de références rarement utilisées sur la Corée du Nord. Ainsi, selon B.R. Myers, "la pensée du juche (...) a été d'abord conçue à l'intention d'un public étranger" (p. 94). Si tel était vraiment le cas, comment expliquer que les instituts et groupements  d'idées du Juche n'aient pratiquement plus reçu d'aides financières pour leurs activités depuis la dure marche des années 1990 ? Au contraire, tout indique que la propagande nord-coréenne - pour reprendre le cadre d'analyse de B.R. Myers - poursuit d'abord des objectifs internes ; si les activités des groupements et idées du Juche sont souvent cités par les médias nord-coréens, c'est bien d'abord dans un objectif interne de communication vis-à-vis des Nord-Coréens, plus que dans une volonté de diffusion internationale. Une affirmation aussi lourdement erronée de B.R. Myers témoigne d'une bien piètre connaissance de l'idéologie nord-coréenne dont il se veut pourtant l'exégète.

Autre contre-sens, dans le domaine culturel, "on voit très rarement les amants se toucher (...) Là ou le célibat du héros soviétique et chinois exalte sa totale maîtrise de lui-même, celui du héros nord-coréen exprime l'abstinence joyeuse de la race infantile" (p. 96). Un sociologue serait intéressé d'apprendre que l'état d'enfance a un caractère "racial". Les spécialistes de la littérature nord-coréenne seront eux, surpris, d'apprendre que les scènes explicites qu'ils ont lues dans les romans nord-coréens n'étaient qu'une illusion de leurs sens... Quant à Claude Lanzmann, qui a raconté des scènes peu chastes de son séjour en Corée du Nord dans Le lièvre de Patagonie, il a certainement visité un autre pays que celui décrit par B.R. Myers.

Autre affirmation péremptoire : "ces dernières années cependant, on a parfois montré des Japonaises aimables envers les Coréens ou admiratives du Cher Guide" (p. 138). Faux : dès les années 1950, la RPD de Corée a multiplié les témoignages d'étrangers, y compris japonais, favorables à la Corée du Nord. Et après 1959 le rapatriement de dizaines de milliers de Nord-Coréens du Japon s'est accompagné de la venue en RPD de Corée de milliers de leurs conjointes japonaises...

D'autres auteurs, comme l'universitaire Jean-Guillaume Lanuque, ont montré que la grille de lecture psychanalytique utilisée était forcée, indépendamment de l'exactitude ou non des faits à la base de la démonstration.

En conclusion, reconnaissons que B.R. Myers est un remarquable polémiste : en sélectionnant ses exemples, en jouant du bon usage de courtes citations sorties de leur contexte, il a réussi à créer une Corée du Nord imaginaire, à mille lieux d'un pays qu'il n'a jamais visité, et qu'il a façonnée à sa manière. Toute son habilité est d'avoir réussi à se hisser au rang de spécialiste auprès de médias plus crédules que soucieux d'un travail d'investigation qui reste à conduire, suivant l'objectivité scientifique des critères d'une recherche universitaire. Et plutôt que de sous-titrer son pamphlet "comment je vois les Nord-Coréens", il a imposé ce tour de force de faire croire qu'il avait montré "comment les Nord-Coréens se voient".

 

NoteMyers